Journée de Recherche Juin 2019

Appel à communications

Mardi 04 Juin 2019

ICHEC Brussels Management School, Site Anjou

Les Nouvelles Dynamiques du Travail ou « Pousse toi de là que je m’y mette »

Le thème des nouvelles dynamiques du travail suggère une mise en perspective de ruptures, d’évolutions et de transformations du travail. La journée de recherche accueille des communications susceptibles de valoriser des contributions respectueuses des résultats propres à leurs champs disciplinaires, et éclairées ou soutenues de manière contradictoire par des apports de la psychanalyse.

La transformation des dynamiques du travail est généralement appréhendée au travers de ses corrélats, selon un angle qui est celui de ses manifestations. Celles-ci caratérisent des ruptures laissant apparaître une érosion des formes classiques de l’exercice du travail. Corrélativement, les évolutions et les transformations laissent apparaître les émergences caractéristiques des nouvelles dynamiques. La psychanalyse éclaire ce qui se laisse entrevoir, en regard de ses inflexions théoriques et cliniques.

Dans l’ordre des constructions, l’érosion des formes classiques de l’exercice du travail cède la place à de nouvelles formes considérées comme plus dynamiques, en relation avec les transformations contextuelles. Ces transformations contextuelles concernent les infrastructures du développement, à savoir, la digitalisation (dimension technologique et technique), la mobilité (dimension spatiale et temporelle), l’innovation (en particulier managériale, organisationnelle, stratégique). Le travail les intégre selon que l’activité est internalisée ou externalisée. Les nouvelles dynamiques du travail contribuent à la construction et au développement organisationel en fonction des stratégies mises en œuvre. Le plan de mise en perspective des nouvelles dynamiques du travail est donc extrêment large et profond. Il concerne toutes catégories d’organisations.

La motivation et l’intentionnalité sont généralement d’ordre économique. Mais l’évolution conduit les acteurs à se questionner sur la signification du travail. Les travaux de l’Anact (2018) soulignent une demande des acteurs visant à construire les nouveaux cadres de l’articulation de l’action collective au travail. Cette articulation est à envisager dans le point de vue de ses différentes instances, l’individu, le groupe, l’organisation, l’institution… Il faut souligner que le management se réfère le plus souvent à des modélisations normatives. Pourquoi et que peut en dire la psychanalyse ?

L’éclairage peut être suggéré de différents points de vue. Peuvent être considérées trois approximations comme clés d’entrée possible.

En première approximation, les transformations concernent l’érosion des formes classiques de l’exercice du travail, taylorienne, fordienne – c’est du moins ce qui se dit ! – cédant la place à de nouvelles approches, agile, apprenante, libérée, collaborative, participative… captives pour d’autres succédanés émergents dans les mouvements du New Ways Of Working, des Nouvelles Formes d’Organisation du Travail, par exemple… Ces transformations impactent l’activité du sujet. Quel peut être le point de vue de la psychanalyse ?

En seconde approximation, cette évolution serait inconditionnelle et ne satisferait pas que des fins instrumentales. Elle contribuerait aux renforcements dogmatiques. Cette approximation soutient une argumentation politique, voire idéologique. D’aucuns y verraient une articulation à la transformation des dynamiques du capitalisme, des dynamiques des marchés, des dynamiques sociétales, des dynamiques sociales, de la vision des rapports au monde et de leur mise en condition… Les transformations mettent en perspective des promesses d’émancipation du sujet, soulignées par les attributions relatives à la place du sujet, la responsabilité, la liberté et l’autonomie, l’autorité et l’exercice du pouvoir, l’apprentissage, la formation, mais aussi par de nouvelles dynamiques contractuelles. Ces transformations contribuent corrélativement à l’émergence de nouvelles formes d’assujetissement de l’individu en situation de travail.

En troisième approximation, chaque acteur construit sa relation au travail sur la base de sa singularité et de ses fins particulières. Son action déploie et généralise les nouvelles formes de la dynamique du travail, dans le cadre institutionnalisé par la gouvernance des systèmes. Cette perspective renvoie aux conditions et aux modalités de l’adhésion ; elle interroge fondamentalement la relation à l’autre et « au collectif », en termes de sentiment de classe, de sens de la fraternité – transformée en rapports d’intérêts -, et de modalités de représentation. La psychanalyse peut apporter à cet égard un éclairage à l’aune des alliances inconscientes.

Ces trois corpus de l’approximation conduisent au questionnement dans le registre général de la signification (place du sujet, sens du travail, éthique, moralité…), avec leurs corrélats et leurs succédanés (Responsabilité Sociale, Entreprise Libérée…), dont l’ersatz des symptômes est caractéristique d’une opposition entre les manifestations des processus de défense et les manifestations des processus de l’expression du désir. Qui est le sujet supposé désirant ? Or, toute action dans ce cadre tend vers ses oppositions, plus ou moins contenues par la conflictualité, voire contribue à maintenir les incompatibilités.

Le thème des nouvelles dynamiques du travail contribue à rendre compte de transformations mettant en perspective, d’un point de vue étiologique, la nécessité la nécessité d’un discernement approfondi des causes et des facteurs de développement de logiques de management et de communication flous au sein des organisations, qui en infiltrent les infrastructures. L’un des succédanés est le développement des processus sans sujet et des logiques de technostructures, impliquant d’avoir à envisager une réflexion sur le conflit des interprétations, les idéologies, la violence agie… au nom de la performance et de la compétitivité…

Les projets de transformation de la dynamique du travail promettent une organisation et des relations de travail intégratrices parce que plus flexibles et plus perméables. Or, les modélisations proposées, et leurs schématismes, sont très normatives. Elles divisent et clivent d’autres manières. En quoi les coopérations sont-elles réellement améliorées ?

Les conceptualisations retenues sont celles-là mêmes qui ont contribué à forger les rigidités des modèles antérieurs. Qu’en sera-t-il lorsque les nouvelles dynamiques du travail auront pris de l’ancienneté ? Les concepteurs de ces révolutions (!), protagonistes et promoteurs, suggèrent la nécessité d’une transformation des paradigmes et des représentations, visant évidemment les acteurs résistant au changement ! D’aucuns en suggèrent la démystification…  Aussi citons Lacan (1972-1973, 1979) dont la formule « pousse-toi de là que je m’y mette » marque la place essentielle de l’inconscient.

Cette journée de recherche a vocation à mettre en tension les arguments pertinents, au travers de communications valorisant des projets et des travaux de recherche éclairant des transformations caractéristiques de nouvelles dynamiques du travail… La connaissance de ces nouvelles dynamiques du travail est encore floue. Il serait intéressant de pouvoir envisager leur caractérisation en termes de subordination ontologique, à savoir comment il serait possible de les classer les unes par rapport aux autres en des catégories logiques pour leur mise en perspective dans le cadre de l’action managériale.