Vœux de bonne année 2023
La technologisation du social. Mise en perspective vers la culture cachée des organisations et du management.
Technologiser signifie rendre tributaire de la technologie. Cette notion apparaît dans – Débat sur la fin de l’utopie – La fin de l’utopie – chez Herbert Marcuse (1968) – Marcuse H., La Fin de l’utopie. – Persée (persee.fr) — MARCUSE_Herbert_-_La_fin_de_l’utopie.pdf (monoskop.org)
La Technologisation du Social a fait l’objet d’un ouvrage publié sous la coordination de P. O’Connor et M. Ion. Benta (2021) aux éditions Routlege, avec comme sous-titre une Anthropologie politique de la digitalisation.
Résumé (Usa) : In an era of digital revolution, artificial intelligence, big data and augmented reality, technology has shifted from being a tool of communication to a primary medium of experience and sociality. Some of the most basic human capacities are increasingly being outsourced to machines and we increasingly experience and interpret the world through digital interfaces, with machines becoming ever more ?social? beings. Social interaction and human perception are being reshaped in unprecedented ways. This book explores this technologisation of the social and the attendant penetration of permanent liminality into those aspects of the lifeworld where individuals had previously sought some kind of stability and meaning. Through a historical and anthropological examination of this phenomenon, it problematises the underlying logic of limitless technological expansion and our increasing inability to imagine either ourselves or our world in other than technological terms. Drawing on a variety of concepts from political anthropology, including liminality, the trickster, imitation, schismogenesis, participation, and the void, it interrogates the contemporary technological revolution in a manner that will be of interest to sociologists, social and anthropological theorists and scholars of science and technology studies with interests in the digital transformation of social life.
Résumé (FR) : À l’ère de la révolution numérique, de l’intelligence artificielle, du big data et de la réalité augmentée, la technologie est passée du statut d’outil de communication à celui de principal support d’expérience et de socialité. Certaines des capacités humaines les plus fondamentales sont de plus en plus externalisées vers les machines et nous vivons et interprétons de plus en plus le monde à travers des interfaces numériques, les machines devenant des êtres toujours plus « sociaux ». L’interaction sociale et la perception humaine sont remodelées de manière inédite. Ce livre explore cette technologisation du social et la pénétration concomitante d’une liminalité permanente dans les aspects du monde de la vie où les individus recherchaient auparavant une certaine stabilité et un sens. À travers un examen historique et anthropologique de ce phénomène, il problématise la logique sous-jacente de l’expansion technologique illimitée et notre incapacité croissante à nous imaginer nous-mêmes ou notre monde en termes autres que technologiques. S’appuyant sur une variété de concepts issus de l’anthropologie politique, notamment la liminalité, le trickster, l’imitation, la schismogenèse, la participation et le vide, il interroge la révolution technologique contemporaine d’une manière qui intéressera les sociologues, les théoriciens de la société et de l’anthropologie et les chercheurs en sciences et technologies qui s’intéressent à la transformation numérique de la vie sociale.
La technologisation recouvre progressivement tous les aspects de la vie humaine. Il convient dès lors d’en considérer les conséquences anthropologiques et civilisationnelles. Cette perspective reste marginale dans la recherche scientifique, et particulièrement en management. En 1er lieu, il s’agirait de considérer que l’immatérialité est un mythe (A. Gras, 2015 ) – Qu’est-ce que le progrès technique ? – Sciences Critiques (sciences-critiques.fr) – A. Gras souligne à cet égard l’arrogance des scientifiques, citant Al Gore « La vérité qui dérange » – Une vérité qui dérange — Wikipédia (wikipedia.org) – Il indique qu’il faut chercher dans notre culture cachée enfouie dans notre inconscient. Voilà un sujet pout le management, « La culture cachée au sein des organisations et du management ». A. Gras cite Peter Sloterdijk ([1]) qui écrit « C’est dans l’évolutionnisme qu’est la racine logique des cynismes théorisants qui jettent sur la réalité le regard olympien des maîtres. Le progrès est une théodicée moderne, en soulignant que les sciences ont une force logique suffisante pour intégrer d’un regard englobant le Mal, la décadence, la Mort, la douleur, toute la somme des négativités qui sont la part de l’être vivant. L’évolution relève d’un impensé. A. Gras soutient trois thèses. Nous vous invitons à en prendre connaissance en cliquant sur le lien – Qu’est-ce que le progrès technique ? – Sciences Critiques (sciences-critiques.fr) –
Le développement, le fonctionnement et le management des organisations font désormais appel à l’ingénierie du social. La transformation institue des alliances disciplinaires. Le chercheur migre vers ces alliances attractives pour le développement de sa recherche et pour celui des institutions de la recherche scientifique. Il devient acteur du développement des technologies modernes dans les champs systémiques du développement, du fonctionnement et du management. Il devient à ce titre sujet de la grande transformation de la condition humaine, bien au-delà du champ du travail, puisqu’il s’agit d’une transformation qui embarque la société humaine dans son ensemble, du moins les civilisations instituantes du progrès technologiques et techniques. L’acteur-chercheur est encore loin cependant d’avoir construit les compétences interdisciplinaires et transdisciplinaires à la maîtrise de sa recherche. Au stade actuel, peu de chercheurs envisagent de concentrer leur recherche sur la dimension cachée de ce développement. Il faut du courage et de la persévérance… nonobstant les travaux critiques qui tempèrent les promesses ou proposent une perspective critique. Les compétences anthropologique et analytique restent marginales dans la formation du chercheur en management. Son action est orientée vers les perspectives téléologiques, en subordonnant les perspectives axiologiques. S’impose dès lors le paradigme nouveau de « l’humain augmenté » et ses prothèses qui œuvrent au lieu et place du travail humain. Le développement du travail humain n’est plus pensé par ses acteurs mais par des experts qui le pensent à sa place et l’imposent au titre du développement économique. Pour l’essentiel, les stratégies de la conduite du changement œuvrent à la mise en œuvre des accommodations.
Mais l’humain peut-il supporter ce développement qui l’appareille, qui en fait le sujet technologiquement dépendant, et quel impact cela augure-t-il concernant la transformation de la subjectivité humaine à ses différents niveaux d’échelle (intersubjectivité, trans-subjectivité), de la conscience, de la connaissance…, à envisager évidemment aux champs de l’essence et de l’existence de l’humanité bien au-delà de la vie au travail ? Pour la santé humaine, la médecine commence à observer les symptômes et les nouvelles pathologies consécutifs du développement d’états hybrides. Un petit nombre d’experts engendre le glissement du fantasme de la nouvelle toute-puissance, contribuant ainsi à sceller le mythe du cybord au motif de réduire la vulnérabilité humaine… qui au travail devra se modifier lui-même pour être le sujet de la performance attendue pour le développement de l’économie.
Le chercheur pose généralement qu’il se questionne sur des problématiques. Mais cela n’est plus suffisant, car se questionner, c’est au fond laisser faire…
La symbiose dans la dépendance technologique a questionné Freud (1930), relativement à l’idéal néo-prométhéen. Freud (Ibid.)écrivait que l’humain évoluerait vers « une sorte de dieu prothétique » consécutif de l’angoisse de castration, précisant toutefois que les prothèses ne feront jamais corps avec le sujet. Aussi suggérons-nous que cette évolution met en perspective un malaise anthropologique et civilisationnel. Ce malaise qui intéresse la psychanalyse (entre autre – Cf. Freud In Malaise dans la civilisation, 1930). Soulignons également que le sujet de la technologisation a été traité par J. Ellul dans le Système Technicien (1977). Citons également J.M. Besnier dans Demain les post-humains (2008) traitant le sujet de la « honte prométhéenne » (reprise de G. Anders (Stern de son vrai nom) dans L’obsolescence de l’homme – Tome 2 (1956) dont la radicalité est néanmoins soulignée par R. P. Droit dans le Journal Le Monde (2011) – « L’Obsolescence de l’homme », de Günther Anders : les exagérations prophétiques de « Monsieur autrement » (lemonde.fr) bien que considéré comme une œuvre majeure puisqu’il aurait vu juste…Concluons cependant que les scientifiques ont à être circonspect.
Voilà donc pour vous inviter à approfondir ce sujet… Un sujet que nous pourrions mettre à l’ordre du jour pour une manifestation ouverte à un large public… ! Après « l’homme augmenté, voici que nous sommes invités à penser « l’homme quantique » – La stratégie quantique française (senat.fr) – Quant à la performance de l’entreprise, elles serait plus que décuplée par l’ordinateur quantique – La révolution quantique, facteur d’une transition dans la détention du pouvoir | Portail de l’IE (portail-ie.fr).
Pour ce début d’année 2023, je vous adresse mes vœux de bonne année. Nonobstant un contexte pas très heureux, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver et promouvoir les idéaux humanistes…
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
[1] Peter Sloterdijk, Critique de la Raison Cynique, C. Bourgeois, 1987, p.231. Voir une somme sur la question de Salvador Juan, Critique de la déraison évolutionniste : animalisation de l’homme et processus de civilisation, L’Harmattan, 2006.