Machines and Humans : Science, Technolgy, AI and human factor in scientific research, by Dr Mariana Thieriot Loisel
Les Coûts Performances Cachés et le travail de l’énantiose par Daniel Bonnet
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Machines and Humans : Science, Technolgy, AI and human factor in scientific research, by Dr Mariana Thieriot Loisel
Les Coûts Performances Cachés et le travail de l’énantiose par Daniel Bonnet
Vœux de bonne année 2023
La technologisation du social. Mise en perspective vers la culture cachée des organisations et du management.
Technologiser signifie rendre tributaire de la technologie. Cette notion apparaît dans – Débat sur la fin de l’utopie – La fin de l’utopie – chez Herbert Marcuse (1968) – Marcuse H., La Fin de l’utopie. – Persée (persee.fr) — MARCUSE_Herbert_-_La_fin_de_l’utopie.pdf (monoskop.org)
La Technologisation du Social a fait l’objet d’un ouvrage publié sous la coordination de P. O’Connor et M. Ion. Benta (2021) aux éditions Routlege, avec comme sous-titre une Anthropologie politique de la digitalisation.
Résumé (Usa) : In an era of digital revolution, artificial intelligence, big data and augmented reality, technology has shifted from being a tool of communication to a primary medium of experience and sociality. Some of the most basic human capacities are increasingly being outsourced to machines and we increasingly experience and interpret the world through digital interfaces, with machines becoming ever more ?social? beings. Social interaction and human perception are being reshaped in unprecedented ways. This book explores this technologisation of the social and the attendant penetration of permanent liminality into those aspects of the lifeworld where individuals had previously sought some kind of stability and meaning. Through a historical and anthropological examination of this phenomenon, it problematises the underlying logic of limitless technological expansion and our increasing inability to imagine either ourselves or our world in other than technological terms. Drawing on a variety of concepts from political anthropology, including liminality, the trickster, imitation, schismogenesis, participation, and the void, it interrogates the contemporary technological revolution in a manner that will be of interest to sociologists, social and anthropological theorists and scholars of science and technology studies with interests in the digital transformation of social life.
Résumé (FR) : À l’ère de la révolution numérique, de l’intelligence artificielle, du big data et de la réalité augmentée, la technologie est passée du statut d’outil de communication à celui de principal support d’expérience et de socialité. Certaines des capacités humaines les plus fondamentales sont de plus en plus externalisées vers les machines et nous vivons et interprétons de plus en plus le monde à travers des interfaces numériques, les machines devenant des êtres toujours plus « sociaux ». L’interaction sociale et la perception humaine sont remodelées de manière inédite. Ce livre explore cette technologisation du social et la pénétration concomitante d’une liminalité permanente dans les aspects du monde de la vie où les individus recherchaient auparavant une certaine stabilité et un sens. À travers un examen historique et anthropologique de ce phénomène, il problématise la logique sous-jacente de l’expansion technologique illimitée et notre incapacité croissante à nous imaginer nous-mêmes ou notre monde en termes autres que technologiques. S’appuyant sur une variété de concepts issus de l’anthropologie politique, notamment la liminalité, le trickster, l’imitation, la schismogenèse, la participation et le vide, il interroge la révolution technologique contemporaine d’une manière qui intéressera les sociologues, les théoriciens de la société et de l’anthropologie et les chercheurs en sciences et technologies qui s’intéressent à la transformation numérique de la vie sociale.
La technologisation recouvre progressivement tous les aspects de la vie humaine. Il convient dès lors d’en considérer les conséquences anthropologiques et civilisationnelles. Cette perspective reste marginale dans la recherche scientifique, et particulièrement en management. En 1er lieu, il s’agirait de considérer que l’immatérialité est un mythe (A. Gras, 2015 ) – Qu’est-ce que le progrès technique ? – Sciences Critiques (sciences-critiques.fr) – A. Gras souligne à cet égard l’arrogance des scientifiques, citant Al Gore « La vérité qui dérange » – Une vérité qui dérange — Wikipédia (wikipedia.org) – Il indique qu’il faut chercher dans notre culture cachée enfouie dans notre inconscient. Voilà un sujet pout le management, « La culture cachée au sein des organisations et du management ». A. Gras cite Peter Sloterdijk ([1]) qui écrit « C’est dans l’évolutionnisme qu’est la racine logique des cynismes théorisants qui jettent sur la réalité le regard olympien des maîtres. Le progrès est une théodicée moderne, en soulignant que les sciences ont une force logique suffisante pour intégrer d’un regard englobant le Mal, la décadence, la Mort, la douleur, toute la somme des négativités qui sont la part de l’être vivant. L’évolution relève d’un impensé. A. Gras soutient trois thèses. Nous vous invitons à en prendre connaissance en cliquant sur le lien – Qu’est-ce que le progrès technique ? – Sciences Critiques (sciences-critiques.fr) –
Le développement, le fonctionnement et le management des organisations font désormais appel à l’ingénierie du social. La transformation institue des alliances disciplinaires. Le chercheur migre vers ces alliances attractives pour le développement de sa recherche et pour celui des institutions de la recherche scientifique. Il devient acteur du développement des technologies modernes dans les champs systémiques du développement, du fonctionnement et du management. Il devient à ce titre sujet de la grande transformation de la condition humaine, bien au-delà du champ du travail, puisqu’il s’agit d’une transformation qui embarque la société humaine dans son ensemble, du moins les civilisations instituantes du progrès technologiques et techniques. L’acteur-chercheur est encore loin cependant d’avoir construit les compétences interdisciplinaires et transdisciplinaires à la maîtrise de sa recherche. Au stade actuel, peu de chercheurs envisagent de concentrer leur recherche sur la dimension cachée de ce développement. Il faut du courage et de la persévérance… nonobstant les travaux critiques qui tempèrent les promesses ou proposent une perspective critique. Les compétences anthropologique et analytique restent marginales dans la formation du chercheur en management. Son action est orientée vers les perspectives téléologiques, en subordonnant les perspectives axiologiques. S’impose dès lors le paradigme nouveau de « l’humain augmenté » et ses prothèses qui œuvrent au lieu et place du travail humain. Le développement du travail humain n’est plus pensé par ses acteurs mais par des experts qui le pensent à sa place et l’imposent au titre du développement économique. Pour l’essentiel, les stratégies de la conduite du changement œuvrent à la mise en œuvre des accommodations.
Mais l’humain peut-il supporter ce développement qui l’appareille, qui en fait le sujet technologiquement dépendant, et quel impact cela augure-t-il concernant la transformation de la subjectivité humaine à ses différents niveaux d’échelle (intersubjectivité, trans-subjectivité), de la conscience, de la connaissance…, à envisager évidemment aux champs de l’essence et de l’existence de l’humanité bien au-delà de la vie au travail ? Pour la santé humaine, la médecine commence à observer les symptômes et les nouvelles pathologies consécutifs du développement d’états hybrides. Un petit nombre d’experts engendre le glissement du fantasme de la nouvelle toute-puissance, contribuant ainsi à sceller le mythe du cybord au motif de réduire la vulnérabilité humaine… qui au travail devra se modifier lui-même pour être le sujet de la performance attendue pour le développement de l’économie.
Le chercheur pose généralement qu’il se questionne sur des problématiques. Mais cela n’est plus suffisant, car se questionner, c’est au fond laisser faire…
La symbiose dans la dépendance technologique a questionné Freud (1930), relativement à l’idéal néo-prométhéen. Freud (Ibid.)écrivait que l’humain évoluerait vers « une sorte de dieu prothétique » consécutif de l’angoisse de castration, précisant toutefois que les prothèses ne feront jamais corps avec le sujet. Aussi suggérons-nous que cette évolution met en perspective un malaise anthropologique et civilisationnel. Ce malaise qui intéresse la psychanalyse (entre autre – Cf. Freud In Malaise dans la civilisation, 1930). Soulignons également que le sujet de la technologisation a été traité par J. Ellul dans le Système Technicien (1977). Citons également J.M. Besnier dans Demain les post-humains (2008) traitant le sujet de la « honte prométhéenne » (reprise de G. Anders (Stern de son vrai nom) dans L’obsolescence de l’homme – Tome 2 (1956) dont la radicalité est néanmoins soulignée par R. P. Droit dans le Journal Le Monde (2011) – « L’Obsolescence de l’homme », de Günther Anders : les exagérations prophétiques de « Monsieur autrement » (lemonde.fr) bien que considéré comme une œuvre majeure puisqu’il aurait vu juste…Concluons cependant que les scientifiques ont à être circonspect.
Voilà donc pour vous inviter à approfondir ce sujet… Un sujet que nous pourrions mettre à l’ordre du jour pour une manifestation ouverte à un large public… ! Après « l’homme augmenté, voici que nous sommes invités à penser « l’homme quantique » – La stratégie quantique française (senat.fr) – Quant à la performance de l’entreprise, elles serait plus que décuplée par l’ordinateur quantique – La révolution quantique, facteur d’une transition dans la détention du pouvoir | Portail de l’IE (portail-ie.fr).
Pour ce début d’année 2023, je vous adresse mes vœux de bonne année. Nonobstant un contexte pas très heureux, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver et promouvoir les idéaux humanistes…
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
[1] Peter Sloterdijk, Critique de la Raison Cynique, C. Bourgeois, 1987, p.231. Voir une somme sur la question de Salvador Juan, Critique de la déraison évolutionniste : animalisation de l’homme et processus de civilisation, L’Harmattan, 2006.
à paraître…
Vœux de bonne année 2022
Les futurs contingents : La nouvelle actualité
Suivie de la symbolique dans le bouquet de fleurs
Serait-il nécessairement vrai qu’une chose peut être ou ne pas être ? C’est la forme de la proposition qui détermine si elle est vraie ou si elle n’est pas fausse. La question (infra) propose une alternative caractérisant une proposition contradictoire. Aristote[1] a insisté sur le lien qui conjugue l’unité des arguments de la proposition et leur distinction en soi. Aristote identifie que les choses sont en puissance de leurs contraires, d’être ou de ne pas être.
S’il est apparu la nécessité de l’une ou l’autre des alternatives, étant en première approximation déterminée par la cause, elle peut être donnée comme vraie ou fausse. Cette nécessité (récusant la fatalité, faisant néanmoins l’objet de controverses) ne vaut que pour une référence spatiale et temporelle précisée, pour autant que la chose s’est produite ou non. Donc, on ne peut pas conclure à la nécessité d’évènements futurs qui ne dépendent que de l’acteur. Après-coup, l’un des arguments de la proposition apparaît vrai, l’autre apparaît faux, qu’il fut ou pas nécessaire. La référence au principe de non-contradiction chez Aristote renvoie à un espace qui est celui de la puissance des contraires du point de vue de la logique, mais pas du point de vue ontologique parce qu’il faut tenir compte du « Tiers-inclu » (S. Lupasco).
Parmi les « Tiers inclus » nous avons les coûts-performances cachés (H. Savall et V. Zardet, 1995, 2004), et par extension les coûts sociaux, les coûts induits non calculés ni provisionnés, les coûts cachés externalisés dissimulés par transitions à envisager (écologiques, environementaux, diversité, énergétiques, sanitaires…). Tout cela fait beaucoup de coûts non comptabilisés, non matérialisés par des actifs comptables et financiers, auxquels il faut ajouter les coûts actualisés des investissements souhaités et de plus en plus contraints. Finalement, tous ces coûts seraient étrangement moteurs de l’économie. Certes, mais ils représentent aussi l face cachée d’un icenberg éonomique. Ils n’apparaissent qu’après-coup, y compris sur des longs termes et à cet égard ils apparaissent également comme inflationnistes. Qu’on ne nous dise plus cependant que c’est impossible de les provisonner dans les comptes des entreprsies et corrélativement de banques publiques, à la lumière de la théorie des futurs contingents. Ils pourraient même être provisionés en bourse sur des bases forfaitaires, les dividendes calculés après leur déduction. Les États disposerait ainsi d’un cagnotte pour financer le développement économique et social, et faire du social un acteur du développement équitable et socialement responsable des marchés. Les acteurs seraient ainsi proactifs pour réduire leurs externalités, soit réduire leurs coûts et créer de la vraie valeur économique. L’économiste François Perroux avait envisagé l’idée d’une économie humaine pour tous.
L’étude du rapport entre la chose et la pensée fait l’objet d’écrits doctrinaux depuis le XIIIème siècle. Parmi les points importants, Aristote avait aussi traité le problème du rapport entre la nécessité conditionnelle ou inconditionelle. Les écrits d’Aristote ont ouvert la voie à la théorie des futurs contingents. Les travaux successifs [A. Le Grand, S. G. d’Ockham, A. de Cantorbéry, St Augustin, A.M.S Boèce, M.T Cicéron ; A. d’Hippone (St Augustin), J. Le Rond d’Alembert, P. Aureolo (P. Auriol) … E. Kant…] la qualifieront à trois facteurs, car entre « être et ne pas être » il y a bien un lien qui contient les propriétés de la négation, mais aussi celles de l’affirmation – À dessein, dans une opposition, ce que l’un affirme pour vrai peut-être faux pour l’autre, et réciproquement ce qui est tenu pour faux par l’autre peut-être vrai pour l’un. Dans le champ de l’économie et de la gestion, cette opposition, que le contrat n’efface pas, soit donc qu’elle demeure en puissance, fonde une structure qui contient la transformation et le changement dans le registre de l’altérité économique dénégative. En lisant les coûts du changeent, on peut aussi les réduire en valeur actualisée notamment.
Cette problématique afférente au statut ontologique – référée au principe de la causalité relativement à un espace-temps – est au fondement de la validité de la connaissance scientifique et de ses usages. La responsabilité du checheur est engagée, et la recherche scientifique n’est pas une tanière. Les théories comportementales de la contingence (T. Burns et G. Stalker, P. R. Lawrence et J. W. Lorsh, J. Wooward et C. Perrow, J. P. Scheid, M. Crozier et E. Friedberg, A. Chandler, G. Friedemann, H. Mintzberg…), la réfère le plus souvent à l’observation in situ de manifestations en caractérisant une matérialité structurelle ou fonctionnelle. Toutefois dans cette perspective, le simple fait de poser une hypothèse relativement à l’observation d’un fait selon une valeur d’affirmation ou de négation induit le principe de contradiction, à savoir le contradictoire.
La référence freudienne a plutôt été l’ambivalence identifiée à partir des couples d’opposés, qui est la source de la conflictualité au sein des organisations humaines. L’ambivalence pulsionnelle (nonobstant le débat entre la représentation qui formalise à la connaissance et l’énergie qui informe, débats et controverses qui ne concernent pas que la spychanalyse, mais toutes les sciences) est à la base de la transformation conduisant à la formation des émotions, de la pensée et de la connaissance. La cause (les causes sont toujours multifactorielles cependant) peut être approchée dans le jeu des impressions sensorielles. La transformation s’envisage au niveau de la représentation, mais elle mobilise de l’énergie, ce qui souligne la dimension ontologique des facteurs de contigence. S’en tenir à la dimension cognitive est prendre le risque de mutiler sa pensée. Certes, la transformation est ouverte, mais elle est aussi contingente, ne serait-ce que de son propre processus de transformation. Ce qui est paradoxal, est l’opposition des arguments, vrai ou faux, ou encore possible ou impossible, qui place respectivement et paradoxalement chaque interlocuteur dans une position où il se trouve à nier l’appréciation relative à la réalisation possible ou non d’un évènement. Si nous tendons un peu l’oreille, nous observons que cette position est très fréquente dans les débats, même dans les débats dits contradictoires, lorsque s’opposent les croyances, les idéologies, les positions théoriques… rapportées depuis des lustres par les receuils historiographiques de Diodore d’Agyrion (cf. Diodore de Sicile). L’humanité lui doit largement la conservation des écrits de l’antiquité gréco-romaine.
Le raisonnement logique a parfois des failles. Le principe de non-contradiction se fonderait-il sur un biais cognitif dont les épistémologies devenues épistémé n’ont guère débattues que tardivement, bien qu’il fut admis qu’une chose peut exister ou ne pas exister effectivement, tandis qu’elle existerait en puissance selon une valeur l’affirmant ou la niant. Aristote, de ce monde, approfondirait certainement encore ce point de vue. La raison a ses raisons, mais le principe de contradiction est bien à la base de notre vie intellectuelle. Là où on s’y attendrait le moins, c’est à la lecture de la Timée de Platon, d’Archytas de Tarente disciple de Pythagore de Samos et ami de Platon (dont le vrai nom serait ou aurait pu être Aristoclès ?) et de Démocrite d’Abdère, ainsi que la lecture des travaux de Ernst Mach qui ouvrirent la voie de la théorie de la relativité restreinte, qu’Heisenberg [2016 (1969)] révèle avoir trouvé son inspiration (l’idée de recherche…).
La subversion de la pensée est souvent requise pour transformer ou conduire un changement transformateur. Par exemple, en management, les observations rendent compte de transformations dans un espace inertiel [cf. travaux de K. Lewin relativement au champ de force, tandis que ses travaux originaux ont porté sur l’espace hodologique (K. Lewin, 1917)] parce qu’elles ignorent en fait l’unité de l’hétéronomie des forces en divisant l’espace entre l’interne et l’externe – il y aurait donc un biais cognitif – tandis que la transformation s’opère dans des référentiels non inertiels si l’on considère les mouvements de (et dans) l’espace – ne serait que parce que la transformation est normalement majorante et se compose dans la dynamique des structures. Les raisonnements logiques courants découplent la transformation de l’objet et celle de l’espace, ce qui fait qu’une inférence par le mode de l’induction ne valide que la vraisemblance d’un résultat de recherche qui serait de facto réfutable, faisant rarement l’objet d’une critique lors des révisions pour la publication en science du management. Or le concept de l’espace hodologique est construit à partir de la physique contemporaine, tandis que celui du champ de force se réfère à la physique classique.
Le référentiel dépend d’abord du point d’observation. Un espace peut être inertiel ou non interiel selon le point de vue. Normalement, si cette observation est celle d’un humain, il est toujours relatif à un espace non intertiel. De très nombreuses théories en management et en conduite du changement raisonnent dans des espaces inertiels, dont une part des observations est un donné auquel l’acteur doit s’adapter [François Perroux a renversé cette manière d’observer avec le concept de l’Unité Active, pour soutenir que c’est l’acteur qui transforme son environnement]. Certes, les espaces sont transformables en leurs correspondances, et si la connaissance n’est pas absolument valide, elle reste néanmoins actionnable. Toutefois, une transformation entre deux espaces inertiels est impossible. La transformation doit s’envisager dans l’unité et la dynamique de son espace d’efficicence.
Les observations critiques (subversives !) ouvrent la voie au mode de la pensée inchoative. Il n’y a jamais rien au commencement de quelque chose. Cette voie ouvre à celle de l’approche énantiologique [définie comme la recherche de la primitive du mouvement de la pensée dans un espace-temps à partir de laquelle une transformation entre dans des états successifs. Cette pensée s’intéresse aux étapes inchoatives] qui examine la modalité inchoative d’une situation ou d’un phénomène, et son corrélat l’approche hodologique => retour donc sur les travaux originaux de K. Lewin (1917). La science du management aurait à questionner ses bases expérimentales… et de se pencher, comme l’écrit Paul Dirac (1930) sur les contradictions dont rend compte la seule expérience… Là où une transformation apparaît comme une rupture (une discontinuité), elle n’est en fait qu’une continuité (R. Thom, 1990) nonobstant la catastrophe qui l’oriente y compris vers un contraire car là aussi les contraires sont des multiples… Mais qu’est-ce qui a inspiré Heisenberg ? tout simpement le calcul matriciel, ce qui aura sauté aux yeux de Max Born alors directeur de recherche du post-doc Heisenberg…
Concernant les perspectives ouvertes pour la recherche en management, suggérons aux chercheurs en management, en gestion, en économie… d’aller y voir de plus près la perspective ouverte par l’approche socio-économique des coûts et perfomances cachés (H. Savall, 1989 ; H. Savall et V. Zardet, 1995, 2004) – retenons cette référence aux coûts-performances cachés car elle induit un raisonnement ontologique dans le cadre du futur contingent – dont l’existence fait encore largement l’objet d’appréciations dénégatives.
Au commencement d’un changement, il y a toujours une transformation, et le changement se construit sur les constructions de la transformation. Consécutivement, il apparaît que changement et transformation ne sont pas commutatifs. Leur commutativité relève d’un biais cognitif. Les premiers travaux de K. Lewin (1917) raisonnaient déjà en géométrie non commutative. Il faut tenir compte de ce que les données entre différents référentiels ne se commuttent que partiellement. La transformation n’interveient que si elle est envisagée sur la base travail de fond dans un dispositif instituant un métacadre (E. Jaques, 1965 ; J. Bleger, 1967 ; R. Kaës, 2012), ainsi que l’on envisagé H. Savall et V. Zardet avec le cadre du constructivisme générique, ce qui permet d’envelopper la transformation dans un référentiel non inertiel qui est en mouvement par rapport à une antériorité de la situation. Ce sont les opérations de la transformation qui se commuttent. Ce référentiel est instituant et la transformation est réussie si le dispositif s’est institué dans les infrastcrutures du fonctionnement et du amangement de l’organisation.
Aristote y aura quand même bien vu en conservant le principe de l’indissociabilité des contraires (renvoyant à la théorie de la participation des contraires chez Platon), oublié cependant par la logique de l’intelligibilité de l’être au motif de unité de l’Un (Parménide), au motif que les propriétés de l’Un ne pouvaient comporter aucune contradiction qui conduira Aristote à affirmer le principe de non-contradiction. C’est confondre l’espace et le référentiel. Et de rappeler, que c’était la position de Socrate que nous faisons nôtre pour la transformation, qui indiquait « qu’être » et « ne pas être » ce n’était pas la même chose au regard des qualités, quoique « être » et « non être » s’oppose bien en logique (NB : la logique qui ignore le « Tiers inclu »). La perspective de la conjonction des opposés [(Héraclite d’Éphèse, et Platon dans Phédon > § 57a et § 71a)] et de l’énantiodromie sera remis en débats très tardivement, notamment avec les travaux de F. Nietzche (1886), mais aussi de B. Spinoza (1677), d’A. Schopenhauer (1819), de J. G. Tarde (1897), et plus récemment de C. G Jung (1916, 1920), J. Ellul (1954), Y. IllichCitons le billet de Christophe Faurie (2014) : Changement: Enantiodromie (christophe-faurie.blogspot.com). … Il faut remonter à Hippase de Mataponte, disciple de Pythagore, pour retrouver les rudiments du débat qui a animé les productions de philosophes et des mathématiciens de l’époque antique, Parménide et Héraclite.
Nous revenons ainsi à notre problématique. Platon (La République, IV, 436b) écrivait « Être en repos et en mouvement, simultanément, sous le même rapport, est-ce que c’est possible pour la même chose ? » nullement répondait-il ; car en effet une chose et son contraire n’appartiennent pas au même référentiel, quand bien-même l’espace serait le même… Au sein d’un groupe, et à quelques niveaux d’échelle des structures qui soient, « Nx » observations dans un même espace décrivent « Ny » référentiels dont le chercheur doit révéler le nouage énantiologique dans un référentiel générique « Nz en To… et son transformé en Tn ». Les acteurs peuvent être en résistance entre leurs propres référentiels qui sont les cadres de leur subjectivité, autour desquels se nouent les alliances conscientes et inconscientes, tandis que la métacadre est inadéquate et renforce la résistance également. La transformation s’opère dans le déplacement du référentiel propre des acteurs, que la psychanalyse en extension (R. Kaës), définie comme un infracadre (R. Kaës, 2012). Dans le travail clinique, les acteurs se déplacent dans le référentiel générique qui les soudent dans leur coopération (cf. : Métamorphose, Supra).
Par ailleurs, Les transformations sont toujours isomorphes dans les niveaux d’échelle des structures par nature ontologique. Le référentiel d’observation générique, par exemple un référentiel d’efficience économique, se transforme aussi dans le mouvement de la transformation ; il fournit le référentiel « Nz en Tn ». Comme le lit d’un cours d’eau, il n’est pas une ligne droite, mais décrit des fonctions inhérentes à la transformation de l’espace qui canalise la transformation de l’objet (la chréode, chez R. Thom, 1990). L’objet en transformation emprunte le lit de la chréode. Il peut se trouver que la chréode soit elle-même transformée (le cours de l’eau sort de son lit et prend une autre trajectoire = métamorphose). La métamorphose est une transformation simultanée de l’objet et de son espace. De même, la conversion des coûts-performances cachés réalise une métamorphose. La fonction la plus courante est de type cubique f(x)3, décomposable en ses états quasi-stationnaires [représentation retenue par K. Lewin (1947)], caractérisant une suite de bifurcations sur sa trajectoire. Concernant l’option méthodologique, le chercheur doit cependant intégrer le Tiers-inclu (S. Lupasco) qui est le dispositif en transformations. Pour Stéphane Lupasco toutefois, « A » et « Non A » peuvent être simultanés dans le registre des propriétés (cf. : Qualités chez Socrate). Chaque observation a donc plusieurs valeurs possibles, caractéristiques d’un champ en fonction de leurs combinaisons dans le registre des futurs contingents – combinaisons identifiables dans une matrice de calcul matriciel pour évaluer la loi de composition (Cf. à cet égard les travaux de W. Bion et de J. Piaget). Ce qui conduit à faire observer que le changement repose sur la substruction de la transformation. Certes, sa manifestation apparaîtra comme une transformation. Pour autant, l’une n’est pas l’autre.
En situation de management et conduite d’un changement transformateur, il y a lieu d’être vigilant car les facteurs de contingence sont cachés pour partie significative et prégnante. Dans le champ des futurs contingents, des facteurs jugés pertinents sur le court terme, peuvent ne pas l’être sur le long terme, ce qui fait apparaître qu’ils ont bien deux valeurs tangibles au moins qui ne s’opposent pas seulement, car elles sont en conjonction. À dessein, la conversion des coûts-performances cachés valorise la valeur de cette conjonction, caractérisée par exemple par un ratio déterminant la performance de cette celle-ci (cf. infra : facteurs de contingence à trois valeurs), qui serait l’indicateur d’une meure pertinente relativement à la création de valeur effective.
Et les fleurs dans tout cela ?
Leur signification caractérise un fait civilisationnel et anthropologique. Elles peuvent inspirer le chercheur qui souhaiterait réorienter l’observation de son objet de recherche.
Source : Impelluso L. (2004). La nature et ses symboles, Paris, Éditions Hazan, 384 p.
Au terme de cette lecture que j’espère instructive et utile pour nos futures recherches…
Je vous adresse, au nom du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’I.P&M, tous mes vœux de bonne année…
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
[1] Aristote. De l’interprétation. Chapitre 9. Traduction de J. Tricot (1994), éditions Vrin, pp. 102-103
Vœux de l’année 2021
Énantiologie de la perspective. Application pour le management.
La perspective désigne une modalité de représentation en trois dimensions d’un objet ou d’une scène, perçue comme un volume dans un plan. Cette représentation exige des calculs rigoureux. Le trompe-l’œil est la modalité qui permet de fournir une imitation imaginaire de la réalité. La perception fait intervenir une opération mentale, dénommée « la suspension volontaire de l’incrédulité » (S. T. Coleridge, 1817), dont l’idée trouve son origine dans l’Ut pictura poesi
d’Horace, et antérieurement dans les œuvres « De gloria Altheniensuim » de Plutarque et La Poétique d’Aristote. Cependant, l’Art lui-même peut-être un trompe-l’œil, car il ne doit traduire que ce qui ne nuit pas à la beauté. Donc, elle peut aussi servir à ignorer. Toutefois, comme dans la sculpture, atteindre la beauté peut comporter de blesser l’objet à sculpter.
Cette opération mentale permet d’exercer ses sentiments et sa créativité, voire d’inventer. Elle permet aussi des mises en situation paradoxales. Elle permet également de percevoir les aspects cachés de la réalité, ainsi que d’exercer sa pensée paradoxale. Cet exercice est à l’origine de grandes découvertes scientifiques, tant en sciences de la nature qu’en sciences humaines. Dans de nombreux cas, les découvertes portent sur l’implicite : l’implicitement vrai (cf. le paradoxe de Hempel, lequel comporte d’ailleurs la perception de l’implicitement contraposé) ou l’implicitement faux (cf. le paradoxe de Russel) qui conduit à restreindre la compréhension d’une situation. Il n’est pas donné qu’une perspective, en logique ou en rationalité soit juste. Il importe de l’examiner en ses conjonctions d’opposés. Ce peut être contrariant évidement si le souhait est de faire valoir un point de vue, y compris s’il est celui de la simplification. Il peut en effet cacher un raisonnement sournois (sophisme).
[l’art poétique]
« Agitare jumenta » ou « l’entreprise agitée »
L’entreprise agitée : peut-être le pendant de l’entreprise agile et tous autres du même acabit… !
Les fondements idéologiques de l’entreprise sont-ils en train de se transformer ?
L’entreprise de demain sera-t-elle une entreprise H+ ?
Tant le progrès technoscientifique et technologique permettra d’anticiper les changements attendus pour le développement de l’économie marchande sur le plan de la condition humaine.
Tant la rupture des polarités historiques, par exemple « droite/gauche », fait le lit coalescent du libertarianisme… et de l’économie marchande sur l’économie humaine…
La route de la servitude semble engagée, même en France, s’il apparaît que les doctrines minarchistes et les doctrines du conditionnement opérant sont insidieusement à l’œuvre ?
Nous, humains, ne serions plus que des molécules, à savoir les structures de base de la matière marchande. Les grandes idées humanistes promulguées par les courants de libération du Siècle des Lumières se trouveraient perverties, non à notre insu certes, mais on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas…
Servitude volontaire. Nous y avons œuvré…
Le marché définira les assemblages dûment tamisés en catégories de consommateurs. Nous serons tous libres, tous coopérants, liés et asservis dans nos cages respectives pour servir des intérêts restreints, y compris pour y dormir d’ailleurs, mais manipulés et en rééducation permanente… Nous parlerons tous le même langage avec les mêmes formules apprises dès le jeune âge… Les algorithmes d’Analyse Appliquée du Comportement contrôleront les seules conduites humaines observables pour les accommoder au développement du commerce et de l’ordre social marchand. Les entreprises en développeront l’usage pour le management des situations de travail à distance (le chercheur en management devrait s’en préoccuper). Les écoles prépareront au développement des apprentissages programmés. Le social sera la variable macro-économique de punition, officiellement justifié par le développement des Troubles Envahissants du Développement. Nous ne ferons pas fortune évidemment. A côté de la misère du monde, il n’y a déjà plus, dans le monde que 10 % de la population qui possèdent 92 % de la richesse et 5% qui en possèdent 50 %. Limitons là à dessein l’hypotypose de ce tableau sinistre. Car pour nous chercheurs en management, la question est :
Quel avenir pour les sciences de gestion et pour le management ?
En leur principe, elles contribuent au salut de l’humanité…
Accorderont-elles leur miséricorde et contribueront-elles au retournement des situations perverses ?
On croit que… Avec le temps, ce qui se révèle est toujours l’ombre de ce que l’on croit…
Ce qui advient appelle son contraire… et tant que, c’est que l’humain est toujours à l’œuvre… pour renverser les tendances et dessiller leur œuvre perverse…
Toute tendance appelle « l’apparition de la contre-proposition inconsciente, notamment dans le déroulement temporel. Ce phénomène caractéristique se produit presque toujours lorsqu’une tendance extrêmement unilatérale domine la vie consciente, de sorte que peu à peu il se constitue une attitude opposée tout aussi stable dans l’inconscient : elle se manifeste d’abord par une inhibition du rendement conscient puis interrompra son orientation trop unilatérale » (C.G. Jung, 1920). En tenir compte dans les négociations et dans les régulations ne serait pas vain…
Que nos vœux de bonne année œuvrent en expectance de ce destin…
Bonne année à toutes et à tous …
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
Cher(e)s Adhérent(e)s, Collègues et Ami(e)s ;
Bonjour ;
Pour les vœux de cette nouvelle année 2019, et comme chaque nouvelle année, nous vous proposons un texte inédit.
La pensée en diptyque !
Le verbe « penser » trouve son origine dans le mot latin « pensare » signifiant peser, juger, et dans le mot latin « pendere » caractérisant son aspect lexical itératif. Cette caractéristique lexicale souligne la réflexivité.
La pensée désigne l’activité psychique consciente relative à l’activité affective et intellectuelle. Le mot « pensée » caractérise une unité lexicale dont la frontière entre la lexie et le signifiant est floue. La signification spécifie la faculté de connaître et l’activité qui en est à l’origine, dont la réflexion, l’abstraction et le travail réflexif. Par extension, elle désigne la manière de penser quelque chose à l’aune de ses idées. La conscience établit la relation avec soi et entre soi et le monde. La relation entre la pensée et la conscience est d’ordre métonymique. Avec soi, le sujet développe la capacité à être le sujet de sa propre expérience consciente (cf. conscience phénoménale, sous réserve de son acception au travers du concept de l’intentionnalité qui la spécifie comme séparable). C’est l’infrastructure de la subjectivité et de la réflexivité, à partir de laquelle il peut enrichir son expérience d’être dans et avec le monde.
Les pensées caractérisent plus généralement les représentations consécutives de l’activité de pensée, à l’aune des interprétations. Par extension, elles désignent un ensemble de réflexions élaborées par un auteur.
La pensée vise plus largement à produire une forme perceptible mentalisée actionnable en communication par le moyen d’idiomes traversant le langage, l’écriture, le dessin, la musique…, et toute activité contribuant à sa transmission, relative à l’expression des sens et des talents… Cependant, à la base, « penser », c’est avant tout « se représenter » en élaborant des représentations à partir d’interprétations.
La pensée est le sujet de la coupure de la conscience d’avec l’inconscient (1ère topique freudienne). Cette coupure a une influence sur nos attitudes et sur nos comportements, corrélativement sur l’acquisition du savoir et sur la création de connaissance, dans la mesure où elle établit un rapport entre ce qui est désirable et ce qui ne l’est pas, rapport lui-même assigné via les instances du Moi, du Surmoi et du ça (seconde topique freudienne). Cette coupure distinguant les deux instances du conscient et de l’inconscient a été théorisée par S. Freud comme instance pour penser le sujet comme sujet de l’inconscient d’une part, pour conférer à la psychanalyse son autonomie théorique et clinique d’autre part, au regard de la distinction des mécanismes psychiques à l’œuvre. Cela en dépit des critiques de la théorie de l’inconscient, dont la critique de J.P. Sartre (1943) qui trouve bizarre que l’on puisse connaître des mécanismes dont on n’a pas conscience… et proposer une psychanalyse concurrente dite existentialiste postulant que notre conscience ne s’éclaire que dans le rapport à l’avenir ! C’est deux conceptions radicalement différentes du déterminisme de la liberté qui s’opposaient en fait…
On peut aussi citer ce que S. Freud (1896) a appelé les rejetons de l’inconscient, à savoir des représentations conscientes qui se substituent à des formations inconscientes (cf. formations substitutives). La psychanalyse instruit à cet égard la théorie des représentations et des interprétations. Pourquoi contester cette autonomie théorique dans le champ des sciences de la psyché, conférant à la psychanalyse son statut théorique propre, tandis qu’on l’accepte dans le champ des sciences médicales, mais aussi en sciences économiques, en sciences de gestion pour leurs différentes disciplines ou au titre des spécialités, pour se reposer ensuite la question de leurs reconnexions… pire encore lorsque la pensée s’arrime dans le dualisme aristotélicien… Il y a comme une bizarrerie… qui introduit à la nécessité de mieux éclairer les rapports d’oppositions. Ce fragment de texte, qui vous est proposé, fournit un tableau de la pensée à cet égard, caractérisant un cheminement de celle-ci éclairée dans le registre de la conflictualité au regard de son essence énantiologique. Cette perspective contribue à en déplacer les frontières dans le registre de l’intersubjectivité pour une application en management et en conduite du changement.
Les résistances sont légitimes lorsqu’elles relèvent d’un arbitrage en conscience du sujet, quelques soient leurs degrés de liberté et leurs attributions, subjectives, relatives aux croyances, aux certitudes… Conscientes ou inconscientes, elles relèvent aussi de la carence introspective et toujours de ce qui de l’autre encrypté en nous est insupportable (C.G. Jung, 1964) que les épistémès sont susceptibles d’entretenir. Se transformer est légitime ; vouloir transformer l’autre en tant qu’il est sujet de… assigne une violence et donc tôt ou tard une réaction… À l’aune de cette fragmentation des instances psychiques, caractérisant une explicitation intelligible et une hypothèse largement validée par l’observation même du fait qu’il existe bien une barrière, l’instance du sujet conscient est le Moi. Les mécanismes de défense inconsciente confèrent un statut de contenu à ce qui fait l’objet du refoulement et retiennent les contenus dans l’inconscient. Toutefois, ce qui reste des pensées immatures ou indicibles qui ne sont saisies que par leur valeur en soi peut l’être au travers des relations à l’autre (évacuation par projection), contribuant à la transformation de certaines en éléments de pensées (cf. travaux de W. Bion et de M. Klein). Bion indique à cet égard que la capacité de penser dépend de la capacité à transformer en pensées ce qui est l’objet de manques, de frustrations, de déplaisirs, de souffrances. La pensée s’élabore dans la relation dynamique entre un contenu et un objet qui sert de support à leur élaboration d’une part, elle-même organisée par la relation dynamique entre les positions paranoïde-schizoïde et dépressive d’autre part.
Le pas avec l’acte inconscient est souvent largement franchi. L’acte irréfléchi, impulsif, impensé… n’est pas l’acte prémédité. Il peut être d’ordre pulsionnel, pathologique, délictuel ou criminel. Cependant, plus largement une forme d’inconscience morale règne au sein des sociétés, ainsi que l’actualité nous le montre, à propos de la transition écologique, de la misère économique, sociale, voire culturelle, mais aussi des choix politiques au regard des ancrages inconscients. De façon métonymique, on peut suggérer que le regard à penser, peser, juger… Il a pris position, mais il a aussi dénié, jeté dans l’indifférence, dans l’ignorance, dans le mensonge, dans la dénégation, dans l’oubli. Cette attitude participe à la reproduction de l’ordre établi et à la marginalisation de la pensée critique. Elle se garde bien de mettre à l’épreuve la pensée embarquée (Garo, 2009). Ce qui est en cause, souligne l’auteur (Ibid.), c’est le mode de production des idées, la pensée embarquée révélatrice des idéologies.
Le dépassement du mur de l’obscurantisme, voulu au Siècle des Lumières par les idéologues Antoine Destutt de Tracy, Pierre Jean Georges Cabanis (dit de Cabanis), Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais (comte de Volney) en constituerait-il sa propre buttée ? Le gueux de Ferney (Voltaire) écrivant pour agir (1767) fût même embastillé pour ses idées. Depuis, l’idéologie du contrat n’y a rien changé… dès lors qu’elles en constituent son substrat.
Les idéologies ne meurent jamais (R. Kaës, 2016[1980]). Elles mettent le sujet à l’épreuve de la dissonance cognitive en première approximation. Mais une pensée dans le registre de la conscience en cache parfois son essence dans le registre de l’inconscient qui assigne l’autre que soi-même à sa destination en clivant la pensée dans sa charge oppressive, caractéristique des positions archaïques défensives liées dans les alliances inconscientes. Ce qui se laisse entrevoir est ce qui se clive en tant que chacun en est le sujet… que fournit d’ailleurs le soutien de-plus-d’un-autre (Ibid.) de part et d’autre des coalitions.
Il faut en mesurer la portée pour le management et pour le fonctionnement des organisations. Le sujet est divisé, à son insu, quand bien-même le soutien de de-plus-d’un-autre, sujet du conflit psychique (intrapsychique chez Freud, conflictualité plus largement) également à son insu. Déjà à la base, le contrat divise. Le collectif (sujet de l’intersubjectivité) a d’ailleurs ses limites qui sont celles du soutien de de-plus-d’un-autre. Les liens intersubjectifs organisent des coalitions. L’élaboration de la signification fragmente la pensée entre le dit et le non-dit, selon que le sujet admet ou non des exigences non conformes à ses motions et accumule consécutivement des frustrations. C’est cette fragmentation de la pensée qui est « remaniée » dans le travail de (et en) intersubjectivité contradictoire (H. Savall et V. Zardet, 2004), soutenu par un travail en interactivité cognitive (Ibid.) pour traiter les problématiques de dissonance cognitive. Ce remaniement passe par la négociation. Un alignement et un accord ne se construisent néanmoins que sur de la connaissance nouvelle créée par les acteurs eux-mêmes dite connaissance générique (Ibid.).
Le non-dit divise le sujet, le dit d’une part, le non-dit d’autre part, parfois la falsification du dit (cf. hypocrisie organisationnelle). Cette division organise la résistance des consciences, parfois introduit la perversion dans le management, qui s’installe comme infrastructure du fonctionnement des organisations et de leur management, puisque chacun cherche à obtenir gain de cause (cf. les intérêts, l’évacuation des frustrations, et donc les conflits). C’est toujours d’en passer par l’autre, de remettre en jeu les identifications et les idéalités de part et d’autre de chacun, que surgit le collectif, sous réserve que la négociation ne soit pas perverse, qu’elle institue la confiance. La négociation est souvent une arme à double tranchant. Lorsqu’elle défend radicalement, en fait, elle laisse libre cours au jeu des mécanismes de défense inconsciente. Être écouté et entendu, c’est ce que chacun attend à minima dans la négociation. Cela est vrai aussi au niveau politique. Tout clivage conduit tôt ou tard à la catastrophe, puisque toute bifurcation maintient ou aggrave le clivage. Pour coopérer, il faut se rencontrer…
Les managers, les gouvernants, généralement ou souvent eux-mêmes des subordonnés d’ailleurs, et par analogie la gouvernance et le management, sont régulièrement invités à y réfléchir d’une manière ou d’une autre lorsqu’ils sont confrontés aux épreuves. C’est du moins ce qui est largement professé…
Dans son domaine, le management pense ses propres conceptualisations et/ou méthodes. Soumettons néanmoins l’idée que les dispositifs du management contribuent au développement de la capacité à penser, en laissant libre cours à la pensée critique, plutôt que de la cristalliser… Il y a lieu à cet égard de donner du temps pour la pensée de détail (C. Baudelaire, 1906 ; R. Char, 1946), du temps pour la liberté de détail (S. Tesson, 2015), du temps pour faire la place de « l’étui de vérité » (R. Char, 1946)… mais aussi faire la place à la dignité de penser (R. Gori, 2013), faire la place à la pensée créative impossible sans introjection pulsionnelle des possibilités et des renoncements (D. W. Winnicott, 1963, 1965) si largement sollicitée au sein des organisations, car l’impossible nous sert de lanterne (Ibid.).
Certes, de la créativité à la création, il y a un pas dont le franchissement dépendra de la qualité et de l’efficacité du management, y compris de sa théorisation. On retient des travaux de D.W. Winnicott que la créativité trouve son expression lorsque la représentation permet de se délivrer des résistances inconscientes et que la pensée pourra éprouver en constatant que l’objet est trouvé. Il y a transformation si l’objet est intégré ainsi que son altérité (C. Bollas, 1979). J. Piaget (1977[1936]) l’a également signifié avec les processus d’assimilation et d’accommodation pour établir un rapport à l’exercice de l’intelligence… dans les limites néanmoins de l’emprise des méthodes, des dispositifs et des instruments.
La méthode et ses prédicats ne sont néanmoins d’aucun secours si les dés de l’intentionnalité sont pipés et si la méthode devient un instrument de falsification… À ces conditions, l’engrenage fait le lit de l’interdit de penser… et dans le même temps ouvre celui de la vérité qui s’échappe (J. Lacan, 1969-1970).
Au-delà, il nous reste à souligner que le développement de l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication exercera une emprise sur le développement de la capacité à penser. L’algorithmique fera de nous des sujets de la résolution de problèmes algorithmiques. Il s’agira notamment de déduire nos pensées, de prédire et de prescrire nos comportements – c’est déjà une réalité avec le produit commercial Google Adsense – nous serons sans doute confrontés à un diptyque à trois faces… y compris pour le management des organisations qui trouvera, lui aussi, un marché pour des marchandises fictives (Polanyi, 1944)… un défi pour Psychanalyse & Management puisque c’est la question de la possibilité de la transmutation du sujet de l’inconscient qu’il faut explorer…
Au nom des membres du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’I.P&M, je vous adresse mes vœux de bonne année pour 2019…
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
Le piège de l’illusion !
Le spectre de l’illusion est large. Elle est tenace contrairement à l’erreur et se distingue de l’hallucination. L’illusion est définie comme une perception erronée de la réalité. Parmi les plus connues, il y a l’illusion d’optique, l’illusion tactile qui nous fût signifiée par l’expérience d’Aristote, l’illusion visuelle. Mais attardons-nous sur d’autres aspects qui concernent l’illusion mentale, l’erreur de l’esprit, à savoir la croyance erronée, le leurre, la connaissance fausse, mais aussi faire illusion, ou encore la concurrence perceptive. Certes, l’illusion peut trouver sa cause dans les limites de la perception sensorielle. L’illusion propose une traduction subjective, voire phantasmatique. C’est l’attention qui sélectionnerait certaines catégories d’informations et établirait les connexions sensorielles relatives aux opérations de la perception. L’attention va à la rencontre des impressions sensorielles et son objet se trouve ainsi intériorisé et mémorisé. Elle se fixe sur son propre objet, conscient, inconscient, ce qui libère la perception de sa fixation à un objet externe. Mais aussi l’angoisse peut conduire à surveiller attentivement cet objet qui se rappellera ainsi à l’attention.
L’illusion est aussi une infrastructure de la connaissance. Ainsi, Bergson, dans « Essais sur les données immédiates de la Conscience » explique que la mesure du temps est une traduction de l’espace en données temporelles mesurables, vécue concrètement par la conscience. Sur le plan cognitif, c’est une abstraction. Mais pour le ressenti, son invariant ne sera jamais le même. Le temps passe plus ou moins vite. L’illusion opère une transformation d’invariant. Mais elle en conserve sa relation énantiologique. La traduction construit un espace hodologique, conservant mentalement l’invariant de transformation. Ainsi, l’illusion se trouve introjectée. Elle fixera l’attention. La continuité du temps est elle-même une illusion puisqu’il serait ainsi discontinu du fait de la transformation de l’invariant.
L’illusion mentale offre son spectre à la limite de l’hallucination et parfois du trouble mental, ainsi le mythe du double, qui se manifestait dans la pensée de Pythagore, renvoyant au rapport contradictoire entre le bien et le mal, le parfait et l’imparfait… pour expliquer les divisions, les dissensions, et qui est à l’œuvre dans le miroir. Le miroir justement, le Président s’y regarde lorsqu’il nous présente ses vœux. Or, l’illusion traverse la schize de l’œil et du regard. Le prompteur ou la récitation font office de miroir. Prenez-y-garde et ne vous bercez pas d’illusions. La schize opère aussi lorsque l’on écoute et que l’on n’entend pas, que les illusions vous permettent aussi d’affronter l’incertitude d’un mandat. Il faut y croire… et faire croire. Descartes, dans « Méditations métaphysiques » tente de se rassurer ; cogito ergo sum, certes, mais n’empêche que Descartes a ignoré que la conscience est une construction mentale. Pour sûr, une prise de conscience permet de sortir de l’illusion. Le même mécanisme opératoire convertit l’invariant. Les mécanismes de défense inconsciente sont à l’œuvre. Le misonéisme relève du déni à cet égard.
Dans la littérature, y compris la plus ancienne, le sosie fût souvent traité de manière comique et l’œuvre avait la particularité de traiter de la fabrication d’une tromperie parfaitement intentionnelle. La connaissance de ce procédé fallacieux de communication présentée comme objective, devrait nous conduire à porter notre attention sur les ruses de la raison. Tout y apparaît parfait, étudié, réfléchi, solide, argumenté, raisonnable, logique. Et pourtant… Le « Je » devient le « il » lorsqu’il faut rendre des comptes et se désigner comme responsable. La liberté consiste d’abord à ne pas laisser l’autre vous imposer son idéal qui nous ferait tomber dans le piège de l’illusion. La transformation est d’abord la sienne propre, celle que l’on s’impose par le travail sur ses exigences et désirs, pas celle que l’on nous imposerait, toujours source de désillusions. La cause finale du changement est de cet ordre…
Cher(e)s Adhérent(e)s, cher(e)s Ami(e)s, au nom des membres du conseil d’administration et du conseil scientifique, je vous adresse mes meilleurs vœux pour l’année 2018.
Daniel Bonnet
Président de l’I.P&M
Vous voulez être libre, alors parlons en !
Le piège de l’illusion ! L’illusion étant dans votre esprit définie comme une perception erronée de la réalité, vous insistez sur la prévalence d’une dimension fallacieuse.
En ce qui concerne le phénomène de l’illusion, partons de la définition scientifique: interprétation perceptive erronée de données sensorielles réellement existantes, dûe aux lois mêmes de la perception et susceptible d’être critiquée par le raisonnement. L’objet est réel, la perception existante et c’est l’interprétation cérébrale ou mentale qui crée l’illusion. Aussi, l’illusion n’est autre qu’une production cérébrale ( des différentes facultés du cerveau ) par laquelle le réel perçu est interprété, transcrit sous la forme d’une représentation ( image, perception, langage, pensée, aspiration, rêve…).
L’être humain affronté au réel de son environnement naturel et autres êtres vivants n’entrevoit son salut que par la construction d’un système mental d’illusions grâce auquel il va s’expliquer et arraisonner les évènements et les rencontres de son existence. Rapidement la conscience de l’être va confronter l’humain à l’expérience de la mort, dès lors ce réel inexorable va le hanter et le poursuivre au moindre détour du chemin.
L’illusion apparaît comme une nécessité , une construction fonctionnelle de la nature humaine, qui représente les perceptions de la sensorialité de l’être au monde. La particularité de l’homme réside dans sa capacité sur ce substrat perceptif représenté par les illusions de construire des systèmes de fictions. Pour chacun le poids de l’éducation et des traditions de l’organisation sociale et politique reste un carcan inévitable. Toutefois après la crise de l’adolescence l’être humain a la possibilité d’exercer un choix sur les fictions avec lesquelles il va construire sa conception du monde.
Donc la responsabilité de l’être humain reste entière dans le tri et la sélection qu’il opérera dans les systèmes de fictions en vigueur dans la société dont il devient un membre actif. Les illusions avec lesquelles il cherche à se prémunir découlent de son propre choix d’interprétations qui vont constituer le cœur de ses convictions, préjugés, idéologies, religions. On comprend mieux qu’il y tienne autant à ses illusions-fictions , car elles font partie de son architecture intime, malgré les démentis que pourrait élever le crible de la raison ou de l’Histoire voire de la Culture.
L’illusion est tributaire de nos perceptions d’un monde visible, palpable, odorant, audible, goûteux, propioceptif, intuitif, mental, imaginaire, c’est à dire d’un monde présent ici et maintenant où le réel s’apparente à l’existant.
Comment conjuguer la liberté avec le lest des contingences biologiques, affectives et mentales attachées à l’existence humaine en société ?
Ainsi la volonté de prendre conscience et de se rendre maître de notre système d’interprétations et de fictions apparait comme le premier pas vers une plus grande libération du moi sur le soi. Devenir responsable de la marionnette que nous sommes appelés à gesticuler, ouvre la voie de la faculté d’être libre.
En effet j’ai appris d’un long compagnonnage avec les Ecrits de Lacan à considérer le langage support de l’interprétation comme une catégorie. Cela implique de discerner dans les systèmes de représentation la grande variété de ceux-ci. Comme produit de l’activité cérébrale et en fonction de celle-ci, l’interprétation prend la forme d’une variété de langages: celui du corps, des émotions, de la pensée… ensuite le langage est codé en systèmes raisonnés comme celui des croyances, des idéologies, des religions, de l’idéalisme, du marxisme, des totalitarismes … Toutes les formes de productions cérébrales produisent des illusions , dont la fonction paraît intimement liée à la protection de l’être-soi dans un environnement social donné. A ce niveau primordial de l’activité cérébrale, la liberté de l’être est tenue en laisse par notre instinct de survie même en société.
Toutefois, il est un langage qui nous extirpe du donjon narcissique de l’ égoïsme, celui qui nous porte à l’ élévation conceptuelle de l’abstraction, le langage mathématique par excellence. Le langage mathématique est le prototype d’un langage dédié à l’abstraction dégagée des exigences instinctives de la vie humaine. L’exemple de la musique, celui de la physique théorique, l’usage qu’en font les scientifiques en général sont des sources qui soufflent un léger zéphyr de Liberté. Dans cette catégorie n’oublions pas certaines représentations artistiques et surtout l’informatique et la numérisation dont les performances ne cessent de nous étonner dans la robotique, la communication, et demain dans l’intelligence artificielle qui va révolutionner notre mode de travail et la société entière. De tels langages, mais surtout le langage mathématique nous rendent capables, dans une certaine mesure de comprendre la nature bien au-delà de ce que détectent nos sens. Ils nous permettent d’établir que la nature obéit aux mêmes lois partout dans l’espace et le temps, ici ou là-bas, maintenant dans le passé ou le futur, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, du visible à l’invisible, du conscient à l’ inconscient bien au-delà de nos certitudes perceptives.
La Liberté découle alors comme un signe de notre capacité à l’abstraction, comme un signe de notre capacité à contenir les contingences biologiques du corps pour s’élever dans l’infini intergalactique de l’univers.
Au delà de la réalité du corps, une nouvelle illusion s’élève celle d’une Liberté éthérée, de pur esprit en communion avec l’Evolution de la Nature et l’incommensurable Univers .
La puissance de l’homme n’est qu’une illusion douloureuse pour les humains, la nature et la planète, l’Homme libre est une illusion personnelle parfois nécessaire à étayer la vocation d’une vie combien émancipatrice pour l’être.
Voilà mon illusion ce matin à laquelle j’adjoins l’illusion de mes Meilleurs Vœux pour vous les membres de votre Association.
Jléo Thijssens
jleothijs@wanadoo.fr