Vœux 2020

Vœux pour l’année 2020 : l’éditorial du Nouvel An

« Agitare jumenta » ou « l’entreprise agitée »

L’entreprise agitée : peut-être le pendant de l’entreprise agile et tous autres du même acabit… !

Les fondements idéologiques de l’entreprise sont-ils en train de se transformer ?

L’entreprise de demain sera-t-elle une entreprise H+ ?

Tant le progrès technoscientifique et technologique permettra d’anticiper les changements attendus pour le développement de l’économie marchande sur le plan de la condition humaine.

Tant la rupture des polarités historiques, par exemple « droite/gauche », fait le lit coalescent du libertarianisme… et de l’économie marchande sur l’économie humaine…

La route de la servitude semble engagée, même en France, s’il apparaît que les doctrines minarchistes et les doctrines du conditionnement opérant sont insidieusement à l’œuvre ?

Nous, humains, ne serions plus que des molécules, à savoir les structures de base de la matière marchande. Les grandes idées humanistes promulguées par les courants de libération du Siècle des Lumières se trouveraient perverties, non à notre insu certes, mais on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas…

Servitude volontaire. Nous y avons œuvré…

Le marché définira les assemblages dûment tamisés en catégories de consommateurs. Nous serons tous libres, tous coopérants, liés et asservis dans nos cages respectives pour servir des intérêts restreints, y compris pour y dormir d’ailleurs, mais manipulés et en rééducation permanente… Nous parlerons tous le même langage avec les mêmes formules apprises dès le jeune âge… Les algorithmes d’Analyse Appliquée du Comportement contrôleront les seules conduites humaines observables pour les accommoder au développement du commerce et de l’ordre social marchand. Les entreprises en développeront l’usage pour le management des situations de travail à distance (le chercheur en management devrait s’en préoccuper). Les écoles prépareront au développement des apprentissages programmés. Le social sera la variable macro-économique de punition, officiellement justifié par le développement des Troubles Envahissants du Développement. Nous ne ferons pas fortune évidemment. A côté de la misère du monde, il n’y a déjà plus, dans le monde que 10 % de la population qui possèdent 92 % de la richesse et 5% qui en possèdent 50 %. Limitons là à dessein l’hypotypose de ce tableau sinistre. Car pour nous chercheurs en management, la question est :

Quel avenir pour les sciences de gestion et pour le management ?

En leur principe, elles contribuent au salut de l’humanité…

Accorderont-elles leur miséricorde et contribueront-elles au retournement des situations perverses ?

On croit que… Avec le temps, ce qui se révèle est toujours l’ombre de ce que l’on croit…

Ce qui advient appelle son contraire… et tant que, c’est que l’humain est toujours à l’œuvre… pour renverser les tendances et dessiller leur œuvre perverse…

Toute tendance appelle « l’apparition de la contre-proposition inconsciente, notamment dans le déroulement temporel. Ce phénomène caractéristique se produit presque toujours lorsqu’une tendance extrêmement unilatérale domine la vie consciente, de sorte que peu à peu il se constitue une attitude opposée tout aussi stable dans l’inconscient : elle se manifeste d’abord par une inhibition du rendement conscient puis interrompra son orientation trop unilatérale » (C.G. Jung, 1920). En tenir compte dans les négociations et dans les régulations ne serait pas vain…

Que nos vœux de bonne année œuvrent en expectance de ce destin…

Bonne année à toutes et à tous …

Daniel Bonnet

Président de l’I.P&M

Vœux 2019

Cher(e)s Adhérent(e)s, Collègues et Ami(e)s ;

Bonjour ;

Pour les vœux de cette nouvelle année 2019, et comme chaque nouvelle année, nous vous proposons un texte inédit.

La pensée en diptyque !

Le verbe « penser » trouve son origine dans le mot latin « pensare » signifiant peser, juger, et dans le mot latin « pendere » caractérisant son aspect lexical itératif. Cette caractéristique lexicale souligne la réflexivité.

La pensée désigne l’activité psychique consciente relative à l’activité affective et intellectuelle. Le mot « pensée » caractérise une unité lexicale dont la frontière entre la lexie et le signifiant est floue. La signification spécifie la faculté de connaître et l’activité qui en est à l’origine, dont la réflexion, l’abstraction et le travail réflexif. Par extension, elle désigne la manière de penser quelque chose à l’aune de ses idées. La conscience établit la relation avec soi et entre soi et le monde. La relation entre la pensée et la conscience est d’ordre métonymique. Avec soi, le sujet développe la capacité à être le sujet de sa propre expérience consciente (cf. conscience phénoménale, sous réserve de son acception au travers du concept de l’intentionnalité qui la spécifie comme séparable). C’est l’infrastructure de la subjectivité et de la réflexivité, à partir de laquelle il peut enrichir son expérience d’être dans et avec le monde.

Les pensées caractérisent plus généralement les représentations consécutives de l’activité de pensée, à l’aune des interprétations. Par extension, elles désignent un ensemble de réflexions élaborées par un auteur.

La pensée vise plus largement à produire une forme perceptible mentalisée actionnable en communication par le moyen d’idiomes traversant le langage, l’écriture, le dessin, la musique…, et toute activité contribuant à sa transmission, relative à l’expression des sens et des talents… Cependant, à la base, « penser », c’est avant tout « se représenter » en élaborant des représentations à partir d’interprétations.

La pensée est le sujet de la coupure de la conscience d’avec l’inconscient (1ère topique freudienne). Cette coupure a une influence sur nos attitudes et sur nos comportements, corrélativement sur l’acquisition du savoir et sur la création de connaissance, dans la mesure où elle établit un rapport entre ce qui est désirable et ce qui ne l’est pas, rapport lui-même assigné via les instances du Moi, du Surmoi et du ça (seconde topique freudienne). Cette coupure distinguant les deux instances du conscient et de l’inconscient a été théorisée par S. Freud comme instance pour penser le sujet comme sujet de l’inconscient d’une part, pour conférer à la psychanalyse son autonomie théorique et clinique d’autre part, au regard de la distinction des mécanismes psychiques à l’œuvre. Cela en dépit des critiques de la théorie de l’inconscient, dont la critique de J.P. Sartre (1943) qui trouve bizarre que l’on puisse connaître des mécanismes dont on n’a pas conscience… et proposer une psychanalyse concurrente dite existentialiste postulant que notre conscience ne s’éclaire que dans le rapport à l’avenir ! C’est deux conceptions radicalement différentes du déterminisme de la liberté qui s’opposaient en fait…

On peut aussi citer ce que S. Freud (1896) a appelé les rejetons de l’inconscient, à savoir des représentations conscientes qui se substituent à des formations inconscientes (cf. formations substitutives). La psychanalyse instruit à cet égard la théorie des représentations et des interprétations. Pourquoi contester cette autonomie théorique dans le champ des sciences de la psyché, conférant à la psychanalyse son statut théorique propre, tandis qu’on l’accepte dans le champ des sciences médicales, mais aussi en sciences économiques, en sciences de gestion pour leurs différentes disciplines ou au titre des spécialités, pour se reposer ensuite la question de leurs reconnexions… pire encore lorsque la pensée s’arrime dans le dualisme aristotélicien… Il y a comme une bizarrerie… qui introduit à la nécessité de mieux éclairer les rapports d’oppositions. Ce fragment de texte, qui vous est proposé, fournit un tableau de la pensée à cet égard, caractérisant un cheminement de celle-ci éclairée dans le registre de la conflictualité au regard de son essence énantiologique. Cette perspective contribue à en déplacer les frontières dans le registre de l’intersubjectivité pour une application en management et en conduite du changement.

Les résistances sont légitimes lorsqu’elles relèvent d’un arbitrage en conscience du sujet, quelques soient leurs degrés de liberté et leurs attributions, subjectives, relatives aux croyances, aux certitudes… Conscientes ou inconscientes, elles relèvent aussi de la carence introspective et toujours de ce qui de l’autre encrypté en nous est insupportable (C.G. Jung, 1964) que les épistémès sont susceptibles d’entretenir. Se transformer est légitime ; vouloir transformer l’autre en tant qu’il est sujet de… assigne une violence et donc tôt ou tard une réaction… À l’aune de cette fragmentation des instances psychiques, caractérisant une explicitation intelligible et une hypothèse largement validée par l’observation même du fait qu’il existe bien une barrière, l’instance du sujet conscient est le Moi. Les mécanismes de défense inconsciente confèrent un statut de contenu à ce qui fait l’objet du refoulement et retiennent les contenus dans l’inconscient. Toutefois, ce qui reste des pensées immatures ou indicibles qui ne sont saisies que par leur valeur en soi peut l’être au travers des relations à l’autre (évacuation par projection), contribuant à la transformation de certaines en éléments de pensées (cf. travaux de W. Bion et de M. Klein). Bion indique à cet égard que la capacité de penser dépend de la capacité à transformer en pensées ce qui est l’objet de manques, de frustrations, de déplaisirs, de souffrances. La pensée s’élabore dans la relation dynamique entre un contenu et un objet qui sert de support à leur élaboration d’une part, elle-même organisée par la relation dynamique entre les positions paranoïde-schizoïde et dépressive d’autre part.

Le pas avec l’acte inconscient est souvent largement franchi. L’acte irréfléchi, impulsif, impensé… n’est pas l’acte prémédité. Il peut être d’ordre pulsionnel, pathologique, délictuel ou criminel. Cependant, plus largement une forme d’inconscience morale règne au sein des sociétés, ainsi que l’actualité nous le montre, à propos de la transition écologique, de la misère économique, sociale, voire culturelle, mais aussi des choix politiques au regard des ancrages inconscients. De façon métonymique, on peut suggérer que le regard à penser, peser, juger… Il a pris position, mais il a aussi dénié, jeté dans l’indifférence, dans l’ignorance, dans le mensonge, dans la dénégation, dans l’oubli. Cette attitude participe à la reproduction de l’ordre établi et à la marginalisation de la pensée critique. Elle se garde bien de mettre à l’épreuve la pensée embarquée (Garo, 2009). Ce qui est en cause, souligne l’auteur (Ibid.), c’est le mode de production des idées, la pensée embarquée révélatrice des idéologies.

Le dépassement du mur de l’obscurantisme, voulu au Siècle des Lumières par les idéologues Antoine Destutt de Tracy, Pierre Jean Georges Cabanis (dit de Cabanis), Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais (comte de Volney) en constituerait-il sa propre buttée ? Le gueux de Ferney (Voltaire) écrivant pour agir (1767) fût même embastillé pour ses idées. Depuis, l’idéologie du contrat n’y a rien changé… dès lors qu’elles en constituent son substrat.

Les idéologies ne meurent jamais (R. Kaës, 2016[1980]). Elles mettent le sujet à l’épreuve de la dissonance cognitive en première approximation. Mais une pensée dans le registre de la conscience en cache parfois son essence dans le registre de l’inconscient qui assigne l’autre que soi-même à sa destination en clivant la pensée dans sa charge oppressive, caractéristique des positions archaïques défensives liées dans les alliances inconscientes. Ce qui se laisse entrevoir est ce qui se clive en tant que chacun en est le sujet… que fournit d’ailleurs le soutien de-plus-d’un-autre (Ibid.) de part et d’autre des coalitions.

Il faut en mesurer la portée pour le management et pour le fonctionnement des organisations. Le sujet est divisé, à son insu, quand bien-même le soutien de de-plus-d’un-autre, sujet du conflit psychique (intrapsychique chez Freud, conflictualité plus largement) également à son insu. Déjà à la base, le contrat divise. Le collectif (sujet de l’intersubjectivité) a d’ailleurs ses limites qui sont celles du soutien de de-plus-d’un-autre. Les liens intersubjectifs organisent des coalitions. L’élaboration de la signification fragmente la pensée entre le dit et le non-dit, selon que le sujet admet ou non des exigences non conformes à ses motions et accumule consécutivement des frustrations. C’est cette fragmentation de la pensée qui est « remaniée » dans le travail de (et en) intersubjectivité contradictoire (H. Savall et V.  Zardet, 2004), soutenu par un travail en interactivité cognitive (Ibid.) pour traiter les problématiques de dissonance cognitive. Ce remaniement passe par la négociation. Un alignement et un accord ne se construisent néanmoins que sur de la connaissance nouvelle créée par les acteurs eux-mêmes dite connaissance générique (Ibid.).

Le non-dit divise le sujet, le dit d’une part, le non-dit d’autre part, parfois la falsification du dit (cf. hypocrisie organisationnelle). Cette division organise la résistance des consciences, parfois introduit la perversion dans le management, qui s’installe comme infrastructure du fonctionnement des organisations et de leur management, puisque chacun cherche à obtenir gain de cause (cf. les intérêts, l’évacuation des frustrations, et donc les conflits). C’est toujours d’en passer par l’autre, de remettre en jeu les identifications et les idéalités de part et d’autre de chacun, que surgit le collectif, sous réserve que la négociation ne soit pas perverse, qu’elle institue la confiance. La négociation est souvent une arme à double tranchant. Lorsqu’elle défend radicalement, en fait, elle laisse libre cours au jeu des mécanismes de défense inconsciente. Être écouté et entendu, c’est ce que chacun attend à minima dans la négociation. Cela est vrai aussi au niveau politique. Tout clivage conduit tôt ou tard à la catastrophe, puisque toute bifurcation maintient ou aggrave le clivage. Pour coopérer, il faut se rencontrer…

Les managers, les gouvernants, généralement ou souvent eux-mêmes des subordonnés d’ailleurs, et par analogie la gouvernance et le management, sont régulièrement invités à y réfléchir d’une manière ou d’une autre lorsqu’ils sont confrontés aux épreuves. C’est du moins ce qui est largement professé…

Dans son domaine, le management pense ses propres conceptualisations et/ou méthodes. Soumettons néanmoins l’idée que les dispositifs du management contribuent au développement de la capacité à penser, en laissant libre cours à la pensée critique, plutôt que de la cristalliser… Il y a lieu à cet égard de donner du temps pour la pensée de détail (C. Baudelaire, 1906 ; R. Char, 1946), du temps pour la liberté de détail (S. Tesson, 2015), du temps pour faire la place de « l’étui de vérité » (R. Char, 1946)… mais aussi faire la place à la dignité de penser (R. Gori, 2013), faire la place à la pensée créative impossible sans introjection pulsionnelle des possibilités et des renoncements (D. W. Winnicott, 1963, 1965) si largement sollicitée au sein des organisations, car l’impossible nous sert de lanterne (Ibid.).

Certes, de la créativité à la création, il y a un pas dont le franchissement dépendra de la qualité et de l’efficacité du management, y compris de sa théorisation. On retient des travaux de D.W. Winnicott que la créativité trouve son expression lorsque la représentation permet de se délivrer des résistances inconscientes et que la pensée pourra éprouver en constatant que l’objet est trouvé. Il y a transformation si l’objet est intégré ainsi que son altérité (C. Bollas, 1979). J. Piaget (1977[1936]) l’a également signifié avec les processus d’assimilation et d’accommodation pour établir un rapport à l’exercice de l’intelligence… dans les limites néanmoins de l’emprise des méthodes, des dispositifs et des instruments.

La méthode et ses prédicats ne sont néanmoins d’aucun secours si les dés de l’intentionnalité sont pipés et si la méthode devient un instrument de falsification… À ces conditions, l’engrenage fait le lit de l’interdit de penser… et dans le même temps ouvre celui de la vérité qui s’échappe (J. Lacan, 1969-1970).

Au-delà, il nous reste à souligner que le développement de l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication exercera une emprise sur le développement de la capacité à penser. L’algorithmique fera de nous des sujets de la résolution de problèmes algorithmiques. Il s’agira notamment de déduire nos pensées, de prédire et de prescrire nos comportements – c’est déjà une réalité avec le produit commercial Google Adsense – nous serons sans doute confrontés à un diptyque à trois faces… y compris pour le management des organisations qui trouvera, lui aussi, un marché pour des marchandises fictives (Polanyi, 1944)… un défi pour Psychanalyse & Management puisque c’est la question de la possibilité de la transmutation du sujet  de l’inconscient qu’il faut explorer…

Au nom des membres du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’I.P&M, je vous adresse mes vœux de bonne année pour 2019…

Daniel Bonnet

Président de l’I.P&M

Vœux 2018

Vœux 2018 : L’éditorial du Nouvel An

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Le piège de l’illusion !

Le spectre de l’illusion est large. Elle est tenace contrairement à l’erreur et se distingue de l’hallucination. L’illusion est définie comme une perception erronée de la réalité. Parmi les plus connues, il y a l’illusion d’optique, l’illusion tactile qui nous fût signifiée par l’expérience d’Aristote, l’illusion visuelle. Mais attardons-nous sur d’autres aspects qui concernent l’illusion mentale, l’erreur de l’esprit, à savoir la croyance erronée, le leurre, la connaissance fausse, mais aussi faire illusion, ou encore la concurrence perceptive. Certes, l’illusion peut trouver sa cause dans les limites de la perception sensorielle. L’illusion propose une traduction subjective, voire phantasmatique. C’est l’attention qui sélectionnerait certaines catégories d’informations et établirait les connexions sensorielles relatives aux opérations de la perception. L’attention va à la rencontre des impressions sensorielles et son objet se trouve ainsi intériorisé et mémorisé. Elle se fixe sur son propre objet, conscient, inconscient, ce qui libère la perception de sa fixation à un objet externe. Mais aussi l’angoisse peut conduire à surveiller attentivement cet objet qui se rappellera ainsi à l’attention.

L’illusion est aussi une infrastructure de la connaissance. Ainsi, Bergson, dans « Essais sur les données immédiates de la Conscience » explique que la mesure du temps est une traduction de l’espace en données temporelles mesurables, vécue concrètement par la conscience. Sur le plan cognitif, c’est une abstraction. Mais pour le ressenti, son invariant ne sera jamais le même. Le temps passe plus ou moins vite. L’illusion opère une transformation d’invariant. Mais elle en conserve sa relation énantiologique. La traduction construit un espace hodologique, conservant mentalement l’invariant de transformation. Ainsi, l’illusion se trouve introjectée. Elle fixera l’attention. La continuité du temps est elle-même une illusion puisqu’il serait ainsi discontinu du fait de la transformation de l’invariant.

L’illusion mentale offre son spectre à la limite de l’hallucination et parfois du trouble mental, ainsi le mythe du double, qui se manifestait dans la pensée de Pythagore, renvoyant au rapport contradictoire entre le bien et le mal, le parfait et l’imparfait… pour expliquer les divisions, les dissensions, et qui est à l’œuvre dans le miroir. Le miroir justement, le Président s’y regarde lorsqu’il nous présente ses vœux. Or, l’illusion traverse la schize de l’œil et du regard. Le prompteur ou la récitation font office de miroir. Prenez-y-garde et ne vous bercez pas d’illusions. La schize opère aussi lorsque l’on écoute et que l’on n’entend pas, que les illusions vous permettent aussi d’affronter l’incertitude d’un mandat. Il faut y croire… et faire croire. Descartes, dans « Méditations métaphysiques » tente de se rassurer ; cogito ergo sum, certes, mais n’empêche que Descartes a ignoré que la conscience est une construction mentale. Pour sûr, une prise de conscience permet de sortir de l’illusion. Le même mécanisme opératoire convertit l’invariant. Les mécanismes de défense inconsciente sont à l’œuvre.  Le misonéisme relève du déni à cet égard.

Dans la littérature, y compris la plus ancienne, le sosie fût souvent traité de manière comique et l’œuvre avait la particularité de traiter de la fabrication d’une tromperie parfaitement intentionnelle. La connaissance de ce procédé fallacieux de communication présentée comme objective, devrait nous conduire à porter notre attention sur les ruses de la raison. Tout y apparaît parfait, étudié, réfléchi, solide, argumenté, raisonnable, logique. Et pourtant… Le « Je » devient le « il » lorsqu’il faut rendre des comptes et se désigner comme responsable. La liberté consiste d’abord à ne pas laisser l’autre vous imposer son idéal qui nous ferait tomber dans le piège de l’illusion. La transformation est d’abord la sienne propre, celle que l’on s’impose par le travail sur ses exigences et désirs, pas celle que l’on nous imposerait, toujours source de désillusions. La cause finale du changement est de cet ordre…

Cher(e)s Adhérent(e)s, cher(e)s Ami(e)s, au nom des membres du conseil d’administration et du conseil scientifique, je vous adresse mes meilleurs vœux pour l’année 2018.

Daniel Bonnet

Président de l’I.P&M

Contribution de jléo Thijssens

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Vous voulez être libre, alors parlons  en !

Le piège de l’illusion ! L’illusion étant dans votre esprit définie comme une perception erronée de la réalité, vous insistez sur la prévalence d’une dimension fallacieuse.

En ce qui concerne le phénomène de l’illusion, partons de la définition scientifique: interprétation perceptive erronée de données sensorielles réellement existantes, dûe aux lois mêmes de la perception et susceptible d’être critiquée par le raisonnement. L’objet est réel, la perception existante et c’est l’interprétation cérébrale ou mentale qui crée l’illusion. Aussi, l’illusion n’est autre qu’une production cérébrale ( des différentes facultés du cerveau ) par laquelle le réel perçu est interprété, transcrit sous la forme d’une représentation ( image, perception, langage, pensée, aspiration, rêve…).

L’être humain affronté au réel de son environnement naturel et autres êtres vivants n’entrevoit son salut que par la construction d’un système mental d’illusions grâce auquel il va s’expliquer et arraisonner les évènements et les rencontres de son existence. Rapidement la conscience de l’être va confronter l’humain à l’expérience de la mort, dès lors ce réel inexorable va le hanter et le poursuivre au moindre détour du chemin.

L’illusion apparaît comme une nécessité , une construction fonctionnelle de la nature humaine, qui représente les perceptions de la sensorialité de l’être au monde. La particularité de l’homme réside dans sa capacité sur ce substrat perceptif représenté par les illusions de construire des systèmes de fictions. Pour chacun le poids de l’éducation et des traditions de l’organisation sociale et politique reste un carcan inévitable. Toutefois après la crise de l’adolescence l’être humain a la possibilité d’exercer un choix sur les fictions avec lesquelles il va construire sa conception du monde.

Donc la responsabilité de l’être humain reste entière dans le tri et la sélection qu’il opérera dans les systèmes de fictions en vigueur dans la société dont il devient un membre actif. Les illusions avec lesquelles il cherche à se prémunir découlent de son propre choix d’interprétations qui vont constituer le cœur de ses convictions, préjugés, idéologies, religions. On comprend mieux qu’il y tienne autant à ses illusions-fictions , car elles font partie de son architecture intime, malgré les démentis que pourrait élever le crible de la raison ou de l’Histoire voire de la Culture.

L’illusion est tributaire de nos perceptions d’un monde visible, palpable, odorant, audible, goûteux, propioceptif, intuitif, mental, imaginaire, c’est à dire d’un monde présent ici et maintenant où le réel s’apparente à l’existant.

Comment conjuguer la liberté avec le lest des contingences biologiques, affectives et mentales attachées à l’existence humaine en société ?

Ainsi la volonté de prendre conscience et de se rendre maître de notre système d’interprétations et de fictions apparait comme le premier pas vers une plus grande libération du moi sur le soi. Devenir responsable de la marionnette que nous sommes appelés à gesticuler, ouvre la voie de la faculté d’être libre.

En effet j’ai appris d’un long compagnonnage avec les Ecrits de Lacan à considérer le langage support de l’interprétation comme une catégorie. Cela implique de discerner dans les systèmes de représentation la grande variété de ceux-ci. Comme produit de l’activité cérébrale et en fonction de celle-ci, l’interprétation  prend la forme d’une variété de langages: celui du corps, des émotions, de la pensée… ensuite le langage est codé en systèmes raisonnés comme celui des croyances, des idéologies, des religions, de l’idéalisme, du marxisme, des totalitarismes … Toutes les formes de productions cérébrales  produisent des illusions ,  dont la fonction paraît intimement liée à la protection de l’être-soi dans un environnement social donné.  A ce niveau primordial de l’activité cérébrale, la liberté de l’être est tenue en laisse par notre instinct de survie même en société.

Toutefois, il est un langage qui nous extirpe du donjon narcissique de l’ égoïsme, celui qui nous porte à l’ élévation conceptuelle de l’abstraction, le langage mathématique par excellence. Le langage mathématique est le prototype d’un langage dédié à l’abstraction dégagée des exigences instinctives de la vie humaine. L’exemple de la musique, celui de la physique théorique, l’usage qu’en font les scientifiques en général  sont des sources qui soufflent un léger zéphyr de Liberté. Dans cette catégorie n’oublions pas certaines représentations artistiques et surtout l’informatique et la numérisation dont les performances ne cessent de nous étonner dans la robotique, la communication, et demain dans l’intelligence artificielle qui va révolutionner notre mode de travail et la société entière. De tels langages, mais surtout le langage mathématique nous rendent capables, dans une certaine mesure de comprendre la nature bien au-delà de ce que détectent nos sens. Ils nous permettent d’établir que la nature obéit aux mêmes lois partout dans l’espace et le temps, ici ou là-bas, maintenant dans le passé ou le futur, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, du visible à l’invisible, du conscient à l’ inconscient bien au-delà de nos  certitudes perceptives.

La Liberté découle alors comme un signe de notre capacité à l’abstraction, comme un signe de notre capacité à contenir les contingences biologiques du corps pour s’élever dans l’infini intergalactique de l’univers. 

Au delà de la réalité du corps, une nouvelle illusion s’élève celle d’une Liberté éthérée, de pur esprit en communion avec l’Evolution de la Nature et l’incommensurable Univers .

La puissance de l’homme n’est qu’une illusion douloureuse pour les humains, la nature et la planète, l’Homme libre est une illusion personnelle parfois nécessaire à étayer la vocation d’une vie combien émancipatrice pour l’être.

Voilà mon illusion ce matin à laquelle j’adjoins l’illusion de mes Meilleurs Vœux pour vous les membres de votre Association. 

Jléo Thijssens

jleothijs@wanadoo.fr

Vœux 2017

Vœux 2017 : L’éditorial du Nouvel An

Cher(e)s Adhérent(e)s, Cher(e)s Ami(e)s, Cher(e)s Collègues;

La tradition des vœux est ancienne. A l’origine, il s’agissait d’honorer Strenia, déesse romaine de la force et de la santé. La coutume était d’offrir des étrennes aux monarques et aux personnes méritantes, constituées par des rameaux de verveine (verbene) prélevées dans le bois de Strenia (Strena, Strenua). Symmachus nous dit que cette coutume des étrennes (strenae) fût instituée sous le Roi Tatius Sabinus. Il y avait quelque chose de divin dans la verveine, dont les bois ornent le palais de Strenia. Puis s’y ajouta des douceurs et des pièces d’argent. En ces temps, la date du 1er janvier n’était pas fixe et pouvait tomber au cours de l’année. Le calendrier institué par Romulus était de dix mois et commencé en Mars. C’est le Roi Numa Pompilius qui institua les mois de Décembre et Janvier (Januarius en écho à la divinité Janus, Dieu des débuts). Jules césar mis ensuite de l’ordre dans le calendrier en décidant que l’année commencerait le 1er Janvier. 

Les puissants, Auguste, Caligula… restaient dans leur palais à attendre la remise des offrandes. Tibère promulgua un édit interdisant cette fête jugée indécente. Les Gaulois renouèrent avec cette tradition en cueillant des brins de Gui avec une faucille d’or, qui étaient offert aux jeunes filles pour l’an neuf. Sous les règnes de l’empereur Constantin 1er et du pape Sylvestre 1er dont le nom évoque la forêt, le christianisme fût progressivement toléré. Pour celui-ci, la remise de ces étrennes à cette période étaient diaboliques et furent interdites. Le 1er Janvier était encore célébré parfois le 25 Décembre ou le jour de Pâques et cela était l’occasion de remettre deux cadeaux. Charles IX décida qu’une fois pour toute, le 1er jour de l’année sera le 1er Janvier, jour de la Saint-Sylvestre. Le 1er Janvier 1564 devint ainsi le 1er jour de l’année. Il fallut ensuite écourter l’année de dix jours car Jules César avait commis une erreur. Grégoire XII décida d’écourter le mois d’octobre de dix jours et fit adopter le calendrier grégorien. 

La remise des cadeaux pouvait être ruineuse cependant. Mazarin offrait des billets de loterie tous gagnants aux Dames de la Cour. Aussi le cardinal Dubois décida qu’il serait offert aux domestiques ce qui lui a été volé. Quand à ces Dames, elles auraient également la charge d’offrir des cadeaux, parfois somptueux, y compris à leurs rivales. Celles-ci faisaient ainsi commerce de leurs scrupules, que le Dictionnaire du Commerce et les almanachs ne manquaient pas de consigner. Le commerce des cadeaux se portait bien, mais sous la révolution il fut jugé trop royaliste. La convention supprima de nouveau la célébration du jour de l’an. Pour Napoléon Bonaparte, cette fête était source de désordre. Les petites boutiques de l’Île de la Cité et la célébration du jour de l’an revinrent en vogue dans les années 1850. La presse s’en mêla, contribuant à instituer cette célébration accompagnée d’un petit cadeau, des étrennes, du petit billet de banque, puis plus proche de nous du treizième mois…

Cette tradition perdure avec l’échange des souhaits le jour de l’an, avec le réveillon au soir du 31 Décembre, les vœux de bon augure à minuit et les cadeaux offerts pour la nouvelle année, conservant ainsi dans l’imaginaire collectif ce qui en ces temps anciens étaient prophétisées par les déesses de la destinée (Strena, Rumina, Potina, Voluptia, Educa, Camina… et bien d’autres, dont Sentia qui prophétise les meilleurs sentiments…

Pour cette nouvelle année 2017 qui commence, les membres du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’I.P&M se joignent à moi pour vous souhaiter une bonne et heureuse année. Et comme il est de tradition de faire un présent, nous espérons que cette lecture sera de bon augure…

Daniel Bonnet

Président de l’I.P&M