Vœux 2017

Vœux 2017 : L’éditorial du Nouvel An

Cher(e)s Adhérent(e)s, Cher(e)s Ami(e)s, Cher(e)s Collègues;

La tradition des vœux est ancienne. A l’origine, il s’agissait d’honorer Strenia, déesse romaine de la force et de la santé. La coutume était d’offrir des étrennes aux monarques et aux personnes méritantes, constituées par des rameaux de verveine (verbene) prélevées dans le bois de Strenia (Strena, Strenua). Symmachus nous dit que cette coutume des étrennes (strenae) fût instituée sous le Roi Tatius Sabinus. Il y avait quelque chose de divin dans la verveine, dont les bois ornent le palais de Strenia. Puis s’y ajouta des douceurs et des pièces d’argent. En ces temps, la date du 1er janvier n’était pas fixe et pouvait tomber au cours de l’année. Le calendrier institué par Romulus était de dix mois et commencé en Mars. C’est le Roi Numa Pompilius qui institua les mois de Décembre et Janvier (Januarius en écho à la divinité Janus, Dieu des débuts). Jules césar mis ensuite de l’ordre dans le calendrier en décidant que l’année commencerait le 1er Janvier. 

Les puissants, Auguste, Caligula… restaient dans leur palais à attendre la remise des offrandes. Tibère promulgua un édit interdisant cette fête jugée indécente. Les Gaulois renouèrent avec cette tradition en cueillant des brins de Gui avec une faucille d’or, qui étaient offert aux jeunes filles pour l’an neuf. Sous les règnes de l’empereur Constantin 1er et du pape Sylvestre 1er dont le nom évoque la forêt, le christianisme fût progressivement toléré. Pour celui-ci, la remise de ces étrennes à cette période étaient diaboliques et furent interdites. Le 1er Janvier était encore célébré parfois le 25 Décembre ou le jour de Pâques et cela était l’occasion de remettre deux cadeaux. Charles IX décida qu’une fois pour toute, le 1er jour de l’année sera le 1er Janvier, jour de la Saint-Sylvestre. Le 1er Janvier 1564 devint ainsi le 1er jour de l’année. Il fallut ensuite écourter l’année de dix jours car Jules César avait commis une erreur. Grégoire XII décida d’écourter le mois d’octobre de dix jours et fit adopter le calendrier grégorien. 

La remise des cadeaux pouvait être ruineuse cependant. Mazarin offrait des billets de loterie tous gagnants aux Dames de la Cour. Aussi le cardinal Dubois décida qu’il serait offert aux domestiques ce qui lui a été volé. Quand à ces Dames, elles auraient également la charge d’offrir des cadeaux, parfois somptueux, y compris à leurs rivales. Celles-ci faisaient ainsi commerce de leurs scrupules, que le Dictionnaire du Commerce et les almanachs ne manquaient pas de consigner. Le commerce des cadeaux se portait bien, mais sous la révolution il fut jugé trop royaliste. La convention supprima de nouveau la célébration du jour de l’an. Pour Napoléon Bonaparte, cette fête était source de désordre. Les petites boutiques de l’Île de la Cité et la célébration du jour de l’an revinrent en vogue dans les années 1850. La presse s’en mêla, contribuant à instituer cette célébration accompagnée d’un petit cadeau, des étrennes, du petit billet de banque, puis plus proche de nous du treizième mois…

Cette tradition perdure avec l’échange des souhaits le jour de l’an, avec le réveillon au soir du 31 Décembre, les vœux de bon augure à minuit et les cadeaux offerts pour la nouvelle année, conservant ainsi dans l’imaginaire collectif ce qui en ces temps anciens étaient prophétisées par les déesses de la destinée (Strena, Rumina, Potina, Voluptia, Educa, Camina… et bien d’autres, dont Sentia qui prophétise les meilleurs sentiments…

Pour cette nouvelle année 2017 qui commence, les membres du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’I.P&M se joignent à moi pour vous souhaiter une bonne et heureuse année. Et comme il est de tradition de faire un présent, nous espérons que cette lecture sera de bon augure…

Daniel Bonnet

Président de l’I.P&M

Le Mot du Président Honoraire

Ma Pierre Philosophale…

« J’avais écrit Psychanalyse et Management comme un vieil alchimiste gratte sa pierre philosophale. Je n’avais ni la toque, ni la houlette qui inscrivent fermement dans ces ordres puissamment identitaires. Mon esprit égaré allait d’un repère à l’autre sans savoir énoncer un chemin. Tout me porter à douter et redouter entre ces nouveaux Charybde et Scylla de l’exacerbation post moderne des subjectivités et du formalisme en inflation écrasante des organisations. Soudain, d’une manière incongrue et quasi absurde, ma plume s’anima. Je lus : « Aimer, croire, espérer… » Le souci d’être davantage et ailleurs s’effaça. Le goût essentiel de ne pas manquer de prochains rendez-vous amoureux me rendit au plaisir de mon voyage imaginaire » GBP

Pourquoi, pour qui, l’Institut Psychanalyse & Management ?

Par Georges BOTET-PRADEILLES, Docteur en psychologie, Président Honoraire de l’I.P&M; 

Chers adhérents et amis ;

Notre Premier Président Germain Bertrand dont je me suis rapproché rappelle nos origines et nous encourage à poursuivre notre quête :

« Le fondateur d’avant même la fondation est de tout cœur avec vous. La scène primitive a eu lieu à Paris, boulevard Saint Michel, en septembre 1990, au premier étage de la brasserie Le Cluny (pour être tranquilles), en fin d’après-midi. ».

Il ajoute : « Quand je veux expliquer l’intérêt d’une réflexion sur Psychanalyse et Management, je paraphrase Pascal : « Le manager a ses raisons que le management ignore »… ». Le management est la mise en œuvre de moyens qui font appel à des outils et des méthodes d’analyse, de décision et d’évaluation qui s’inscrivent dans un corps de connaissances scientifiques.

Mais quiconque a managé une collectivité humaine sait qu’il y a là des phénomènes inconscients individuels et collectifs, difficiles à traiter par des principes généraux, qui conduisent à des interprétations hasardeuses ou des interventions empiriques.

Nous abordons là ces attentes émotionnelles de l’individu qui espère l’attention et la reconnaissance des instances dirigeantes comme l’enfant guettait et provoquait jadis les réponses parentales…

Freud énonçait exactement : « L’inconscient c’est l’infantile en nous ». Le groupe humain lui-même ne se fonde et ne trouve cohésion que dans la circulation de signes, de valeurs d’appartenance, de culture ou morales faisant loi. Lévy Strauss nous a enseigné qu’il n’est pas de communauté humaine qui fonctionne hors d’une structure symbolique permettant à chacun de se retrouver dans des mythes, une histoire, des références, des figures, des rituels, des interdits et des limites.

Notre époque d’impatiences matérialistes fait déni de ces dimensions inconscientes ou l’esprit humain porte son désir et son espoir dans cette foi archaïque mais quasi constitutionnelle en une Autre réponse dans un Universel nécessaire à l’imaginaire de chacun et de tous…

Fédérer un Club, une communauté, un village, une PME, voire un Etat, dans une dynamique collective d’appartenance fondée sur des facteurs immatériels peut s’observer ici et là. Il suffit parfois de désir et de parole à un niveau suffisant de don de sens.

Tel entraîneur sait bien que les résultats de son équipe sont liés aux fondamentaux techniques et tactiques, mais que le plaisir de jouer ensemble va créer un entrain déterminant. Cela n’est pas spontané, il faut l’inspirer. L’inconscient ne se manipule cependant pas. Il peut seulement entendre ce désir de l’Autre où il y a une volonté forte de partage humain et de dépassement de l’ordinaire. Cela fait de nous une espèce migratrice/ en quête de nouveaux rivages…On disait jadis de certains : « Ce sont des meneurs d’hommes ».  

Il ne s’agit pas de faire des managers des psychanalystes. Mais seulement d’apporter un éclairage paradoxal sur le management de cette ressource psychanalytique où la seule règle est le « Connais-toi toi-même » inscrit au fronton du temple de Delphes qui inspira Socrate.

La position de l’IP&M pourrait se définir ainsi : « Du bon usage de la psychanalyse lorsqu’on n’est pas psychanalyste, que l’on ne veut pas laisser croire qu’on l’est un peu, et qu’on veut quand même tirer parti de ce que l’on en sait…». Freud lui-même autorise cela (Malaise dans la culture, 1929) avec la prudence de rigueur dans l’usage analogique de concepts descriptifs des faits métapsychologiques qui ne sauraient être que symboles et métaphores. Il serait hasardeux de vouloir les rendre opératoires.

Rien n’interdit cependant d’exercer son oreille à entendre le sujet…

Psychanalyse et Management pointe cette insatisfaction, voire cette déception qui guette l’individu dans le monde actuel des organisations de plus en plus dépersonnalisées et technicisées dans des dimensions politiques et économiques échappant aux acteurs, parfois même au plus haut niveau…

Le besoin d’ordre symbolique des individus face à ces entités anonymes et inaccessibles réclame un discours Tiers qui sache restaurer le sens, le sentiment d’appartenance et le partage plaisant de l’aventure humaine. On peut certes lui adjoindre la réflexion stratégique qui prend en compte la réalité politique et l’exploitation des outils, moyens et méthodes, nécessaires au traitement de tout objet… Mais sans le sens symbolique partagé de l’usage les meilleurs outils ne sauront créer que complexité et discorde.

Faut-il là ces coachs, consultants, thérapeutes, psycho-sociologues, qui sauraient faire lien entre l’humain et l’inhumain technocratique ? Seront-ils ceux qui entendent les parties, mais ne prennent pas parti en se positionnant du côté de la règle, de l’arbitrage et d’un ordre symbolique qui transcende la contingence des situations ?

Faut-il une remise en question éducative et sociale plus profonde qui restaure le symbolique dans nos Sociétés ? Où sont ces Sujets collectifs fédérateurs qui nous inspireraient ce sentiment d’appartenance tellement nécessaire ?

C’est bien là notre champ de réflexion …

L’interface entre psychanalyse et management est à concevoir autrement que par des régulations empiriques et les apaisements médiatiques inspirés par les crises…  Florian Sala qui succéda à Germain Bertrand à la Présidence d’IP&M nous fait encouragement et injonction pour cette entreprise : « Je ne doute pas que notre nouvelle équipe (associée aux anciens dont moi) pourra continuer ce travail de longue haleine et trouver/prouver par des publications de qualité (le grand livre intitulé Psychanalyse & Management reste à construire) une légitimité qu’elle mérite. Ces écrits ne trouveront leur force que par des actions concrètes sur le terrain utiles aux acteurs du monde économique et social. »

Il nous faut d’abord ici restaurer l’image de la Psychanalyse et celle du Management dans leur essence. Les représentations qui en circulent sont souvent des caricatures qu’il convient de combattre pour servir une cause indissociablement commune.

On entend souvent le déni matérialiste, qui se veut pragmatique, de cet inconscient obscur chargé de secrets. Une longue confrontation aux inlassables ruses hystériques et aux redoutables constructions obsessionnelles permet aux praticiens du dispositif analytique d’éprouver la constance d’effets de structure qui ne relèvent pas du sens commun. L’incessante récidive des symptômes chez les patients les plus cultivés et intelligents montre bien que l’inconscient, à jamais infantile, ne s’apaise pas.

Les esprits simples de notre temps vont penser que l’on s’allonge inutilement sur ces ridicules divans. Mais même si rien ne s’y élucide ni ne s’y justifie, c’est le seul lieu où « ça » parle. Les illusions perdues de l’enfance demandent toujours réponse à la réalité. Nul autre lieu ne permet mieux  la réhabilitation du sujet profond dans sa fragilité émotionnelle. On se complait plutôt aujourd’hui à favoriser par maintes pratiques ‘dopantes ‘ et fragilisantes les surenchères narcissiques du Moi sans cesse en parade qui dissimule et triche toujours un peu…

Le métier de manager souffre d’un discrédit parallèle à la psychanalyse dans l’opinion commune. On y entend contrainte et manipulation. Avant d’en parler faudrait-il encore l’avoir appris. Le management c’est cette vigilance scrupuleuse qu’il faut porter à tout ce dont on est responsable selon le contrat, les objectifs, la loi, l’éthique et parfois même le souci social, le dialogue ou la compassion. Cette autorité déléguée par l’organisation est toujours ambiguë. Il faut concilier les choix politiques et stratégiques avec les impératifs de production et d’échéances, les mouvances technologiques, et les attentes diverses du personnel que faute de pouvoir pleinement satisfaire, il importe de ne pas décevoir. Il faut enfin savoir trancher sans heurter. Dans un temps qui aime peu l’autorité et les décisions qui s’imposent, même par nécessité, le rôle est éminemment ingrat. Le manager doit se préserver des pressions descendantes ou ascendantes, de l’irritation et des impatiences. Il sera sur responsabilisé et rien ne lui sera jamais acquis. Il est réduit à se consumer dans l’imagination de compromis improbables.

Les esprits simples verront facilement en lui cet agent inconditionnel de l’exploitation capitaliste ou du pouvoir technocratique. Des projections plus inconscientes en feront un persécuteur potentiel pour peu qu’il se rigidifie dans ses pratiques ou se protège dans ses modalités relationnelles.

On ressent ici la convergence intime qui lie psychanalyse et management dans les registres du désir et de l’affect. Le sujet doute ou saisit le lien qui le lie à un autre sujet, cela commence à donner sens à ce & qui nous fait objet.

Le désordre des couples, la souffrance au travail, l’appauvrissement symbolique des grandes organisations que sont les entreprises et les institutions internationalisées, les Etats eux-mêmes, pour lesquels on mourrait encore fièrement (follement ?) en guerre il y a peu de temps, nous interrogent. Où est cet Autre désir qui fait que l’on désire soi-même pour lui répondre ?  Conjoint, chef de service, patron, élu, institutions, font l’objet de suspicion légitime.

Faute d’inscription possible dans une appartenance symbolique reste-t-il autre chose à chacun que le refuge dans son système névrotique qui le laisse là où il se protégeait enfant ou pire, dans des jouissances narcissiques dont il soutient son Moi improbable  ?

Avec Dominique Drillon, mon prédécesseur immédiat, nous avons une convergence récente et quasi complice. Nous nous sommes rencontrés à Lyon lors des journées sous l’égide d’I.P. &M qui traitaient du souci de soi, du souci de l’autre et de l’insouciance. Cela faisait déjà signe. Sans le savoir l’un de l’autre nous écrivions. Il préparait sérieusement « Le bonheur d’être névrosé et surtout comment ne pas en sortir » et j’écrivais poétiquement « Apologie de la névrose » d’une veine plus jubilatoire.

Tout psychanalyste saura lire là le souci de préserver en soi et en l’autre le gisement inépuisable d’espoir que l’inconscient entretient par le fantasme, les mythes et cette inscription dans une continuité humaine virtuelle dont le capital culturel, émotionnel et esthétique s’enrichit sans cesse. Il suffit parfois d’entrer dans sa bibliothèque ou d’aller voir un bon film pour restaurer un imaginaire érodé par la réalité….

Faute d’inscription dans une communauté porteuse de sens l’individu n’est riche aujourd’hui que de son espérance névrotique.  Je reprends enfin à Dominique sa parabole de Pygmalion et Galatée en l’articulant à ma façon. Ce que chacun crée par son savoir, son talent et son désir finit par exister et lui répondre amoureusement. L’œuvre nous constitue comme sujet pour un autre sujet. Les organisations sauront elles devenir ce sujet auquel nous prendrons goût d’appartenir ?

L’affaire est aujourd’hui tellement personnelle… Dominique Drillon nous le signifie bien : « Chacun a la responsabilité de vivre bien avec sa névrose ». Il scelle cela en citant Maud Fontenoy à l’issue d’un tour du monde à contre-courant : « Il faut vivre ses rêves sans jamais baisser les bras et surtout ne laisser personne vous dire que c’est impossible. » C’est à ce prix que s’opère la restauration de l’humain dans le symbolique où il prend sens.

Psychanalyse et Management ? Il n’y a là que cette indépendance d’esprit sans allégeance, également attentive aux contraintes de la réalité et aux injonctions de l’inconscient signifiant au Moi, par le truchement de ses autres instances, qu’il ne saurait s’ériger seul. Au-delà du métier et de la fonction, le soin de soi et d’autrui s’impose au manager. La diversion y mettra parfois cette note d’insouciance d’Arlequin à la commedia dell’arte qui transcende ces implications réductrices et excessives où l’on se prendrait trop au sérieux.

Quant au métier lui-même toutes les écoles sont fréquentables sauf celles qui inféodent au totalitarisme d’une doctrine ou d’un maître. De toute façon on n’apprend bien qu’ensemble…

C’est cette liberté là qui nous fera argument. Kant dans sa « Critique de la raison pratique » dit bien qu’elle résulte seulement d’un effort de rigueur préalable et non du bénéfice acquis d’un heureux concours de droit et de nature.

Il faut y entendre de la même oreille les rudes contraintes incontournables de la réalité managériale et cette logique spécifique de l’inconscient qui nous fait sujets désirants dans un monde qu’il faut bien partager, bien que l’on sache que le désir se partage peu…. Freud répondait à qui lui demandait à quoi peut bien servir la Psychanalyse : « A pouvoir aimer et travailler »

C’est ce que je souhaite à chacun d’entre vous. Lorsque par nos travaux et l’approfondissement d’une réflexion commune, nous pourrons aller au-delà de ce point résumé que je fais aujourd’hui. L’I.P.&M. pourra alors s’engager vers une dimension plus ambitieuse. La convergence des champs que nous nous sommes donnée pour objet impose le rayonnement.

Nous nous définissons par nos statuts à la fois comme centre de recherches, lieu d’échanges et de pratiques et organisme coordinateur d’une réflexion sur les prestations de services…

Pour le moment il faut prendre un temps à mieux nous rêver.

Que chacun veuille bien agréer l’expression de mes sentiments les plus cordiaux.

Georges BOTET-PRADEILLES

Le Mot du Psychanalyste

Dominique DRILLON, Psychanalyste, participait à la constitution de cette impossible rencontre entre Managers et Psychanalystes en 1990.

Je venais de débuter ma vie de psychanalyste, cet « outil » est avant tout une expérience personnelle. Elle s’inscrivait dans une diversification des approches cliniques que je conduisais avec des jeunes (adolescents ou adultes) et des sportifs. Germain Bertrand avait déjà organisé une première réunion, j’ai rejoint le groupe lors de la deuxième. Nous avons travaillé régulièrement pendant un an à réfléchir aux interactions et aux apports de la Psychanalyse au Management.

Pour l’athlète de haut niveau, c’est bien évidemment sur le corps en mouvement et le geste maîtrisé que naît la performance.  Cependant très vite, j’ai compris ce que d’illustres psychanalystes avaient dit et écrit : ‘tout est langage’. La traduction simple de cette maxime montre que lorsque la parole est ‘bloquée’ le corps peut à sa façon s’exprimer par quelques symptômes inhibants la performance. Le rôle de l’intervenant était alors d’entendre ce qui ne pouvait advenir normalement et restait au niveau de l’inconscient à l’état de refoulé.

Toujours en observant ce milieu très particulier du sport de compétition, j’ai compris l’importance déterminante du management. La rencontre des managers opérant dans des Organisations n’était qu’un déplacement de notre écoute vers l’environnement jusque là plutôt mystérieux des entreprises et des institutions.

Entre Psychanalyse et Management, je voyais toutes les différences, ce qui les éloignait, ce qui rendait ces deux mondes antinomiques. D’un côté l’entreprise gère du collectif,  alors que le psychanalyste ne peut aborder que ce qui est singulier. L’une est tournée vers le futur, l’autre regarde le passé, l’histoire. L’une essaie tant bien que mal d’agir rationnellement, l’autre sait bien que l’irrationnel surgit là où l’on ne l’attend pas. L’Homme n’est pas qu’aeconomicus, il est aussi constitué de pulsions, de croyances, d’attentes, de représentations imaginaires, d’affects. L’entreprise ne veut voir que de certitudes là où le psychanalyste perçoit du doute. 

Tout opposait, en apparence, ces deux mondes, et qui aurait parié en 1990 sur la survie de ce couple Psychanalyse et Management ressemblant davantage au mariage entre une carpe et un lapin. Nous sommes en 2009, 20 ans plus tard, ils sont encore là à se questionner. Car c’est bien là le rôle de la psychanalyse dans un contexte économique en mutation, c’est d’apporter des grilles de lectures de l’humain à un monde de production qui fait de cette dimension un facteur. C’est de permettre un éclairage pour ce qui se joue au niveau de l’inconscient puisse devenir saisissable. C’est de donner ou redonner du sens au travail, à l’activité humaine qui était il y a encore peu de temps quasiment une fin en soi.

En 1990 des entreprises incitaient leurs troupes à se jeter du haut d’un pont ou d’une tour, suspendus à un élastique, pour jouer à se faire peur, cela devait forger leur Ego. Déjà, nous nous interrogions sur la métaphore de ses pratiques. En 2009, la souffrance au travail occupe une place importante chez les acteurs de l’entreprise, managers ou non. Dans ce contexte, nul ne doute que la psychanalyse en permettant l’émergence et la formulation d’un désir a toute sa place dans le paysage des organisations. La psychanalyse avait à réinventer d’autres pratiques que celles du divan au service des Hommes. Le Management à a se réinventer pour trouver de nouveaux modèles économiques qui intégreraient le social et l’environnemental.

Le fonctionnement de l’IP&M est basé sur des échanges, localement, dans des petits groupes où le sérieux et la gravité des problèmes traités sont accompagnés d’un esprit de tolérance et de convivialité. Sur le plan national et international des thèmes fédérateurs sont débattus annuellement avec compétences et connaissance. Je souhaite pleine réussite à la nouvelle équipe dans ses missions. Elle est maintenant porteuse d’un message, de valeurs et d’une culture hérités de ses fondateurs.

Dominique Drillon, Montpellier le 24 nov. 2009