Dominique DRILLON, Psychanalyste, participait à la constitution de cette impossible rencontre entre Managers et Psychanalystes en 1990.
Je venais de débuter ma vie de psychanalyste, cet « outil » est avant tout une expérience personnelle. Elle s’inscrivait dans une diversification des approches cliniques que je conduisais avec des jeunes (adolescents ou adultes) et des sportifs. Germain Bertrand avait déjà organisé une première réunion, j’ai rejoint le groupe lors de la deuxième. Nous avons travaillé régulièrement pendant un an à réfléchir aux interactions et aux apports de la Psychanalyse au Management.
Pour l’athlète de haut niveau, c’est bien évidemment sur le corps en mouvement et le geste maîtrisé que naît la performance. Cependant très vite, j’ai compris ce que d’illustres psychanalystes avaient dit et écrit : ‘tout est langage’. La traduction simple de cette maxime montre que lorsque la parole est ‘bloquée’ le corps peut à sa façon s’exprimer par quelques symptômes inhibants la performance. Le rôle de l’intervenant était alors d’entendre ce qui ne pouvait advenir normalement et restait au niveau de l’inconscient à l’état de refoulé.
Toujours en observant ce milieu très particulier du sport de compétition, j’ai compris l’importance déterminante du management. La rencontre des managers opérant dans des Organisations n’était qu’un déplacement de notre écoute vers l’environnement jusque là plutôt mystérieux des entreprises et des institutions.
Entre Psychanalyse et Management, je voyais toutes les différences, ce qui les éloignait, ce qui rendait ces deux mondes antinomiques. D’un côté l’entreprise gère du collectif, alors que le psychanalyste ne peut aborder que ce qui est singulier. L’une est tournée vers le futur, l’autre regarde le passé, l’histoire. L’une essaie tant bien que mal d’agir rationnellement, l’autre sait bien que l’irrationnel surgit là où l’on ne l’attend pas. L’Homme n’est pas qu’aeconomicus, il est aussi constitué de pulsions, de croyances, d’attentes, de représentations imaginaires, d’affects. L’entreprise ne veut voir que de certitudes là où le psychanalyste perçoit du doute.
Tout opposait, en apparence, ces deux mondes, et qui aurait parié en 1990 sur la survie de ce couple Psychanalyse et Management ressemblant davantage au mariage entre une carpe et un lapin. Nous sommes en 2009, 20 ans plus tard, ils sont encore là à se questionner. Car c’est bien là le rôle de la psychanalyse dans un contexte économique en mutation, c’est d’apporter des grilles de lectures de l’humain à un monde de production qui fait de cette dimension un facteur. C’est de permettre un éclairage pour ce qui se joue au niveau de l’inconscient puisse devenir saisissable. C’est de donner ou redonner du sens au travail, à l’activité humaine qui était il y a encore peu de temps quasiment une fin en soi.
En 1990 des entreprises incitaient leurs troupes à se jeter du haut d’un pont ou d’une tour, suspendus à un élastique, pour jouer à se faire peur, cela devait forger leur Ego. Déjà, nous nous interrogions sur la métaphore de ses pratiques. En 2009, la souffrance au travail occupe une place importante chez les acteurs de l’entreprise, managers ou non. Dans ce contexte, nul ne doute que la psychanalyse en permettant l’émergence et la formulation d’un désir a toute sa place dans le paysage des organisations. La psychanalyse avait à réinventer d’autres pratiques que celles du divan au service des Hommes. Le Management à a se réinventer pour trouver de nouveaux modèles économiques qui intégreraient le social et l’environnemental.
Le fonctionnement de l’IP&M est basé sur des échanges, localement, dans des petits groupes où le sérieux et la gravité des problèmes traités sont accompagnés d’un esprit de tolérance et de convivialité. Sur le plan national et international des thèmes fédérateurs sont débattus annuellement avec compétences et connaissance. Je souhaite pleine réussite à la nouvelle équipe dans ses missions. Elle est maintenant porteuse d’un message, de valeurs et d’une culture hérités de ses fondateurs.
Dominique Drillon, Montpellier le 24 nov. 2009